Transports et clichés : Voyager dans l’Angleterre du premier XIXe siècle

Qui aurait l’idée de s’élancer au galop dans le noir le plus complet, au beau milieu d’un paysage de forêts et de falaises abruptes, afin de dire en pleine nuit à une voisine ce qu’on aurait aussi bien pu lui dire au petit matin ? Et qui irait faire du cheval pour se changer les idées au moment même où sévit un orage, trouvant pertinent de faire un peu de saut d’obstacle sous des trombes d’eau ? Captivés par les nombreux rebondissements romanesques de Poldark (BBC, 2015-2019) ou de Bridgerton (Netflix, 2020-), les téléspectateurs ne se posent peut-être pas la question ; ils ont l’habitude de voir ce genre d’images. L’invraisemblance de telles situations importe d’ailleurs assez peu, puisqu’il s’agit moins de montrer des personnes qui se déplacent que des individus agités par leurs émotions. Ce qui compte alors, c’est que l’on voie le passage à l’acte de personnages impulsifs trop perturbés pour pouvoir encore agir rationnellement : l’égarement de Ross Poldark (Aidan Turner), aiguillonné par son désir interdit pour la fiancée de son ennemi, ou celui de Kate Sharma (Simone Ashley), bouleversée d’avoir accordé ses faveurs au vicomte Bridgerton, qui doit épouser sa sœur.

En effet, si d’une manière générale les plans grâce auxquels les personnages passent d’un lieu dans un autre servent avant tout, à l’écran, de transition entre deux scènes bien plus signifiantes, il n’est pas rare que le voyage lui-même se charge d’une forte dimension sémiotique. D’un côté, semblables scènes mobilisent des moyens coûteux qu’il apparaît nécessaire de rentabiliser, car pour les séries se déroulant au XIXe siècle, on fait a priori au moins appel à chevaux, équipages et figurants en costume, quand il ne faut pas réaménager les rues pour y gommer tous les détails anachroniques[1]. D’un autre côté, et c’est là une marque du format sériel, les déplacements, de la simple promenade à l’expédition plus ambitieuse, présentent cet avantage d’offrir un support de choix pour donner à voir l’identité, le tempérament ou l’évolution d’un personnage. Les scènes de voyage, destinées à transmettre un maximum d’informations en un minimum de temps, se révèlent donc très vite surchargées de significations, au point de tomber dans les clichés[2]. L’efficacité de ces derniers ne constitue-t-elle pas en effet un bon moyen de respecter les contraintes matérielles et techniques qui pèsent sur les productions télévisuelles, même si cela doit se faire au détriment de la légitimité des œuvres ? C’est là, de fait, souscrire à ces pratiques sérielles qui jettent habituellement le discrédit sur la culture dite populaire.

Nous pouvons tenter de mesurer le phénomène en comparant différentes séries télévisées qui prétendent mettre en scène un même contexte historique. Nous nous intéresserons ainsi à Poldark, production de la BBC centrée sur l’Angleterre des années 1783-1801, et Bridgerton, production Netflix réinventant le Londres de la Régence. Ces séries ont en commun d’être toutes deux des adaptations plus ou moins fidèles de sagas romanesques récentes, de Winston Graham pour la première et de Julia Quinn pour la seconde. Il sera intéressant de les mettre en regard d’une troisième série au format différent, fondée cette fois sur une œuvre non seulement canonique, mais aussi contemporaine de la période représentée : la minisérie Pride and Prejudice (BBC, 1995), adaptation en six épisodes du roman éponyme de Jane Austen paru en 1813, et érigée au rang de série culte depuis sa diffusion sur la BBC One à l’automne 1995[3].

Passer du XXIe au XIXe siècle

Les séries considérées ici entretiennent un rapport différent au voyage. Les deux productions britanniques, tournées en décors naturels, font voir les pérégrinations de leurs personnages principaux. Poldark, avec son intrigue de roman d’aventures, suit son héros des Cornouailles à Londres et jusqu’en France, au gré des événements politiques et des revers de fortune que connaît le vétéran de la Guerre d’Indépendance. Entre paysages côtiers et ruelles pittoresques, les cinq saisons de la série transportent le public de la baie de Holywell à Charlestown, Penberth ou encore Greenwich.

Pride and Prejudice, de son côté, permet de voir Elizabeth Bennet (Jennifer Ehle) arpenter les prairies et visiter les riches demeures du Hertfordshire, du Kent et du Derbyshire. Durant cette période où les guerres napoléoniennes empêchent les jeunes gens de faire le Grand Tour, c’est la campagne anglaise qui reçoit les faveurs des touristes[4]. L’histoire écrite par Jane Austen, où les déplacements des personnages sont primordiaux pour l’évolution de l’intrigue, se prête donc tout particulièrement à une adaptation s’inscrivant dans la tradition des heritage films[5]. On y met tour à tour en valeur le village de Lacock (Meryton), Edgcote Hall (Netherfield), Belton House (Rosings Park) ou Lyme Park (Pemberley), autant de sites gérés par le National Trust et qui, comme pour Poldark, attirent des foules de visiteurs après la diffusion des épisodes.

La série américaine, elle, reste en revanche essentiellement focalisée sur ce qui est censé être la capitale anglaise, un assemblage hétéroclite de vues aériennes avec incrustations numériques pour les plans généraux et de quelques prises de vue réelles tournées çà et là pour les plans rapprochés, composition qui fait difficilement passer Hampton Court pour le palais Saint James et le centre historique de Bath pour les rues de Londres. Comme c’est au cœur de cette ville que se jouent les intrigues matrimoniales des diverses héroïnes, Bridgerton traduit simplement l’excursion lointaine d’un personnage par l’absence de l’acteur ou de l’actrice sur l’écran, le temps de quelques épisodes.

Il n’en demeure pas moins que les trois séries montrent fréquemment des scènes de voyage, y compris lorsque celles-ci sont quasiment absentes des livres, comme dans les romans de Julia Quinn. Existe-t-il moyen plus direct, à l’écran, de faire époque ? Les téléspectateurs qui choisissent de regarder une série se déroulant au XIXe siècle veulent y retrouver les signes d’un temps révolu sans pour autant être totalement perdus. Il importe donc de leur exposer un monde devenu étranger et, dans le même temps, de le leur rendre assez familier. Les rues terreuses de Meryton et les rues pavées de Londres où circulent passants à pied, à cheval ou en attelages remplissent cet office. En l’espace d’un plan, il s’agit de montrer l’âge d’or du transport hippomobile[6]. Par contraste avec les scènes d’intérieur qui, du salon à la chambre à coucher, modernisent les personnages grâce à des costumes, des dialogues ou des situations qui rapprochent autant que possible les protagonistes des téléspectateurs, les scènes de déplacement visent ainsi à faire « ancien ». Le cas de Bridgerton est, de ce point de vue, emblématique. Alors que la série américaine se construit à grands renforts d’anachronismes volontaires, elle retrouve un semblant d’ancrage historique dans les moyens de transport exhibés. Il n’est pas anodin par exemple que son générique, qui déroule la liste de tous les ingrédients composant l’univers de la série, et qui sont autant d’éléments supposés évoquer le XIXe siècle, fasse figurer un équipage au milieu des bougies, des carnets de bal et des duels au pistolet[7].

Tous ces voyages qui se limitent à un environnement relativement proche sont dès lors rarement occultés. Pour éviter la lassitude que la répétition de telles scènes pourrait provoquer, celles-ci font l’objet de variations plutôt que d’ellipses complètes. Les séries montrent tantôt quelques images du voyage lui-même, tantôt seulement le départ, l’arrivée, ou les préparatifs inhérents à ces déplacements qui ne se font pas aisément – les malles qu’on achève de boucler, les victuailles que les domestiques déchargent avant le retour du propriétaire des lieux, les cochers s’occupant tant bien que mal pendant que les protagonistes sont au bal. Il n’y a guère que Poldark qui réutilise encore et encore la même scène de son héros chevauchant au bord d’une falaise, épisode après épisode et saison après saison, au point de donner aux téléspectateurs l’impression de regarder en boucle les mêmes rushes.

D’une série à l’autre, évidemment, une certaine récurrence demeure inévitable. Ce sont toujours les mêmes images que l’on retrouve : des plans d’ensemble montrant un équipage au trot et alternant avec des gros plans cadrés sur les sabots qui frappent le sol, les roues soulevant la poussière, l’avant-train soumis à rude épreuve ou l’intérieur de la voiture et ses occupants plus ou moins cahotés. Filmer une scène de voyage implique de respecter certains codes, dictés par l’exiguïté de l’habitacle et les contraintes que celui-ci impose en matière de cadrage. Le déplacement en attelage, comme celui en automobile, possède ainsi sa grammaire visuelle et sonore. Quelques plans et leurs bruitages doivent suffire à faire sentir combien les trajets étaient longs, coûteux et inconfortables en une époque où l’état des routes, notamment, laissait à désirer[8]. Le voyage en mail coach, voiture publique, ne peut dès lors vraisemblablement pas être représenté à l’écran sans le fameux procédé de champ-contrechamp opposant les héros à d’autres passagers qui suscitent invariablement un certain degré d’embarras – en général un individu négligemment assoupi ou des importuns trop curieux, à l’image de ce que montrent Pride and Prejudice et Poldark[9]. Difficile d’imaginer un autre montage pour suggérer le manque d’intimité, voire la promiscuité des transports en commun.

Véhiculer rapidement des messages

Comme le montre la scène typique du mail coach, les fonctions assignées aux scènes de voyage sont multiples. Elles doivent tout d’abord, bien sûr, renforcer la lisibilité du récit télévisuel en en assurant la continuité. Faire rouler la voiture d’Elizabeth Bennet de la gauche vers la droite de l’écran lorsqu’elle se rend à Hunsford, puis de la droite vers la gauche lorsqu’elle s’en retourne à Longbourn, garantit une forte cohérence visuelle. Non seulement c’est là respecter le sens de la lecture (revenir vers la gauche, c’est revenir à ce que l’on connaît déjà), mais cela correspond encore à la disposition des lieux que peuvent avoir à l’esprit les téléspectateurs : le Kent, où se situe Hunsford, se trouve plus à l’est que le Hertfordshire, donc plus à droite si l’on suit les conventions des représentations cartographiques.

La lisibilité du récit est cependant aussi garantie par les multiples informations que transmettent les scènes de voyage, en particulier sur l’identité des personnages. Ainsi, si les déplacements ne se font globalement pas de la même manière dans Poldark et dans les deux autres séries, ce n’est pas seulement parce que l’histoire du vétéran se déroule quelques années plus tôt et dans une région plus reculée d’Angleterre, mais aussi parce que l’on n’a pas affaire au même univers social. Ross Poldark, noble ruiné obligé de travailler de ses mains pour se nourrir, ne voyage pas dans les mêmes conditions que les Bridgerton ou que Mr. Darcy (Colin Firth).

Les modes de transport utilisés permettent de saisir très rapidement à quelle classe appartient chacun. Aux riches Lady Catherine de Bourgh (Barbara Leigh-Hunt), George Warleggan (Jack Farthing) ou Violet Bridgerton (Ruth Gemmel) les luxueuses berlines et les belles barouches, tirées par deux voire quatre chevaux, et aux plus modestes Mr. Collins (David Bamber) ou Demelza Poldark (Eleanor Tomlinson), le gig peu cher ou le mail coach. Le procédé est déjà présent dans le roman de Jane Austen, et pour cause : il correspond à cette « mécanique du luxe distinctif[10] » que l’historien Daniel Roche observe dans le transport hippomobile au XIXe siècle. Dans la mesure où l’on se sert alors de la voiture pour afficher son rang et sa fortune, mentionner le phaéton ou la voiture de louage permet à la romancière de suggérer d’un mot le degré de richesse de tel ou tel. Pareils codes ne sont certes plus aussi bien maîtrisés par les téléspectateurs ; l’apparence des différents véhicules et leur mise en scène diffère toutefois suffisamment pour que l’on comprenne les écarts de fortune au premier coup d’œil. Du moins est-ce le cas dans Pride and Prejudice et Poldark. De fait, dans l’univers idéalisé et kitsch de Bridgerton, où l’argent n’est presque jamais un problème, même pour les personnages supposément ruinés, les belles voitures ne cèdent le plus souvent la place qu’à des carrosses encore plus clinquants.

Les trois séries se rejoignent néanmoins sur un point, malgré le rapport différent entretenu par chacune d’elles avec la reconstitution historique : on retrouve très vite des clichés dans ces leitmotive commodes que constituent les voyages des personnages. Cela ne surprend guère au sein de la série américaine, qui trouve ses arguments commerciaux dans ses jeux de distorsion avec la réalité ; au sein d’une production se targuant beaucoup plus de respecter le contexte historique, comme Pride and Prejudice, les lieux communs sont pourtant loin d’être rares.

Ainsi, Mr. Collins, le ridicule prétendant d’Elizabeth Bennet, se montre maladroit à chaque fois qu’il se déplace. S’il monte dans une voiture, c’est pour perdre l’équilibre aussitôt que l’attelage s’ébranle. S’il en descend, ses gestes signalent toujours la lourdeur et l’inconvenance des manières ; ses fesses passent évidemment au premier plan, sous le regard gêné des jeunes filles. Opte-t-il pour la marche à pied, que ce soit pour accompagner ses cousines à Meryton ou pour avertir tout le monde de l’arrivée de Darcy à Hunsford ? David Bamber qui l’incarne joue invariablement un homme essoufflé, incapable de suivre le rythme des autres. Rien de tel n’est suggéré dans le roman, où Jane Austen ne décrit jamais un Mr. Collins ridicule par son physique. C’est l’adaptation télévisuelle qui ajoute les mouvements inefficaces et inélégants de Mr. Collins, afin de mieux le désigner comme personnage à déprécier. Dans cette catégorie, il côtoie Lydia Bennet (Julia Sawalha), la petite sœur écervelée, autre protagoniste qui s’aveugle sur sa propre vulgarité – autre protagoniste, aussi, perpétuellement à bout de souffle et qui ne peut que trébucher au moment de partir pour son fameux voyage à Brighton, dont on connaît le dénouement. À l’opposé se trouvent les héros masculins fringants, plus actifs et sportifs à l’écran qu’ils ne le sont dans le texte. Là encore, la production joue la surenchère dans les signes[11]. Bingley (Crispin Bonham-Carter), véritable prince charmant qui a constamment le sourire aux lèvres, se déplace naturellement sur un cheval blanc, alors que celui-ci était noir chez Jane Austen. C’est en toute logique le ténébreux Darcy qui, dans l’adaptation de 1995, hérite de la monture à la robe sombre.

Émois et transports

L’une des principales fonctions des scènes de voyage est bien de redoubler le récit. Par la manière dont elles sont composées, elles signifient une seconde fois ce qui est déjà en train de se passer à l’écran[12]. Le phénomène apparaît particulièrement dans la scène d’ouverture de la série Pride and Prejudice, analysée en détail par Marie N. Sørbø[13]. Entre la chevauchée de Bingley et Darcy, lancés au galop dans les prairies qui entourent Netherfield, et la promenade plus tranquille d’Elizabeth, croisant une jument et son poulain en train de paître paisiblement dans un pré clôturé, c’est l’opposition entre les mondes masculin et féminin qui se dessine. La scène suggère en même temps déjà le rapprochement possible des deux protagonistes. Loin de rester enfermée dans l’espace intime de la maison qu’occupent habituellement les personnages féminins de l’histoire, Elizabeth aime la nature et la marche au grand air. À l’instar de Darcy, dont l’attrait pour les espaces naturels est illustré par l’ajout de la scène de baignade dans un lac, scène sans doute la plus célèbre de la série, Elizabeth ne s’épanouit véritablement qu’à l’extérieur, où elle peut se libérer des contraintes sociales. La série multiplie ses promenades à travers champs, la fait jouer avec un chien dans un jardin, sauter un échalier ou courir quand elle est certaine que personne ne peut la surprendre.

Toutes les scènes de Pride and Prejudice qui voient les personnages se déplacer sont construites sur ce modèle. Elles sont faites pour dévoiler la personnalité et les émotions des individus, puis raconter leur évolution. Le retour du Kent, voyage le plus longuement filmé, montre le cheminement de l’héroïne qui change progressivement d’opinion sur Darcy. Plus tard, par contraste avec les rares plans, très resserrés, qui sont faits de Londres, les plans larges du Derbyshire disent toute la différence entre la capitale anglaise, haut lieu de l’hypocrisie, de l’étroitesse d’esprit et de l’immoralité, et les terres de Pemberley, véritable havre de paix. Darcy, qui s’y montre beaucoup plus amène, y change d’ailleurs de cheval, troquant le temps de quelques scènes sa monture sombre contre un cheval blanc. La berline des Gardiner (Joanna David et Tim Wylton), encore, résume à elle seule tout l’épisode du Derbyshire. Avec son toit rabattable, elle devient une élégante calèche lors du séjour à Lambton, pour révéler aux téléspectateurs comme à Darcy la distinction dont sont capables certains proches de la famille Bennet ; on la voit se retransformer en berline, à l’arrière-plan, lorsque la nouvelle de la fuite de Lydia oblige à revenir précipitamment à Longbourn. Gens à la fois terre-à-terre et raffinés, les Gardiner savent modifier leurs plans pour s’adapter aux circonstances. La trajectoire est changée, la voiture se métamorphose et, ainsi, la parenthèse enchantée de Pemberley se referme.

Le phénomène de redoublement du récit, commun aux trois séries, est sans doute le plus flagrant dans l’autre production de la BBC, Poldark. Les scènes de voyage y sont pourtant beaucoup plus nombreuses, du fait du format de la série : quarante-trois épisodes de soixante minutes, contre six épisodes de cinquante minutes pour Pride and Prejudice. La majorité de ces scènes n’en sont pas moins utilisées pour guider le public, à l’exemple du croisement où se retrouve régulièrement le héros au moment de ses choix les plus décisifs. Il s’agit parfois d’expliciter des non-dits, comme lorsque Poldark porte secours à une Elizabeth Warleggan (Heida Reed) en bien mauvaise posture. Le cheval s’emballe, se précipite droit vers la falaise, Poldark heureusement s’interpose et sauve la cavalière qui s’avère enceinte, le tout au grand dam de George Warleggan, arrivant trop tard pour être le héros de son épouse. Ce sont les toutes premières minutes de la troisième saison, et il n’en faut guère plus aux téléspectateurs pour comprendre ce que les personnages ne pourront jamais dire, se refusant toujours à l’admettre : que Poldark est le vrai père de cet enfant à naître, parce qu’il était bien là le premier.

Il s’agit plus souvent néanmoins d’illustrer autrement les rapports qu’entretiennent les personnages les uns avec les autres, pour clarifier l’histoire en évitant des explications trop longues et un didactisme trop marqué. Les trajectoires de Poldark et de Warleggan, qui ne cessent de se croiser, remplissent cette fonction. Elles contribuent à façonner le couple d’ennemis jurés, en renforçant l’impression que chacun représente un obstacle sur la route de l’autre. Dès le tout premier épisode de Poldark, dans ce qui constitue l’entrée en scène du principal antagoniste de la série, la voiture de Warleggan manque de renverser le héros, qui se rend à pied chez Elizabeth. Le fait, assez discrètement montré à l’écran, a évidemment une portée symbolique très forte : le riche banquier passera cinq saisons à essayer d’écraser le noble ruiné, sans jamais y parvenir. Par la suite, le caractère conflictuel de leurs rencontres sera de plus en plus marqué, jusqu’à l’apogée de la tension, lorsque Warleggan fait ériger des barrières, entrave littéralement la circulation et interdit à son rival de rejoindre Elizabeth.

Le voyage cesse alors d’apporter avant tout un nouvel éclairage sur le récit d’autres actions, et passe au premier plan. Il devient pleinement un ressort de l’intrigue, comme au sixième épisode de la quatrième saison, dans la scène où Poldark brave l’interdit et rend visite à Elizabeth Warleggan, pendant que l’époux de celle-ci est précisément sur le chemin du retour. Le montage alterné entre des vues de George Warleggan dans sa voiture et de Poldark dans le salon de Trenwith participe à la construction d’une véritable tension dramatique. Le point culminant ne pouvait dès lors se trouver ailleurs que dans le croisement parfaitement symétrique des deux voitures dans la cour de la propriété, le héros quittant la maison au moment même où son pire ennemi y arrive. Pour que la scène serve le propos global de la série, et qu’elle conserve en même temps un quelconque intérêt narratif, Poldark et Warleggan ne pouvaient ni rencontrer quelqu’un d’autre, ni se croiser ailleurs que là, précisément sur le perron de la femme qu’ils aiment tous deux[14].

D’une manière générale, les rencontres ne peuvent être banales dans les séries, car le rythme de chaque épisode ne laisse guère de place pour des scènes purement gratuites. Si un prétendu hasard amène des personnages à tomber l’un sur l’autre lors de leurs voyages, la raison en est soit que l’un détient une information à transmettre à l’autre, soit qu’ils sont liés par quelque sentiment très fort, de la haine à l’amour. Dans le cas de la rencontre comme motif amoureux, il est alors intéressant de s’attarder un instant sur la manière dont les séries exploitent les déplacements de leurs personnages pour mettre en scène leurs émois, tout en cherchant à séduire les téléspectateurs.

Retour au XXIe siècle

Entre les années 1780 et les années 1810, il est tout à fait normal de se déplacer à cheval. C’est le mode de transport le plus répandu après la marche, cela n’a donc rien de grandiose ni d’insolite. Il s’agit simplement d’un moyen commode de se rendre quelque part, en allant plus loin que là où l’on serait allé à pied, mais moins loin, tout de même, que là où l’on serait allé en faisant atteler l’animal[15]. Dans les trois séries que nous étudions, pourtant, le déplacement à dos de cheval est régulièrement dramatisé, donnant lieu aux scènes parmi les plus chargées de signes.

Les scènes à cheval ont en effet très souvent un lien avec l’expression du désir. Elles servent à la fois à exprimer le transport amoureux des personnages, comme on a pu le voir en introduction, et à la fois à jouer sur la symbolique érotique de la chevauchée[16]. Cette dernière renforce la virilité des héros masculins, que l’on songe à l’entrée en scène du duc de Hastings (Regé-Jean Page) dans le premier épisode de Bridgerton, ou à Ross Poldark parcourant à bride abattue les côtes de Cornouailles, cheveux au vent et porté par une musique épique, pour sauver avec un égal dévouement sa mine, sa famille, ses amis, ses protégés, ses voisins ingrats, son honneur ou son pays. Le procédé est d’ailleurs assumé, voire revendiqué par les créateurs de Pride and Prejudice, Susie Birtwistle, Simon Langton et Andrew Davies, soucieux de séduire un public avant tout féminin[17]. Lors de l’arrivée impromptue de Darcy à Pemberley, dans un montage alterné avec des vues d’Elizabeth Bennet qui, contrairement à ce qu’on a pu voir dans Poldark, fait cette fois espérer au public la survenue de la rencontre, les différentes séquences qui composent la scène ont été ouvertement conçues pour ajouter une touche d’érotisme au roman de Jane Austen[18]. Darcy se déplaçant à cheval plutôt qu’en carrick, surtout sur un thème musical romantique, est un Darcy plus actif, plus viril, en un mot plus attirant.

C’est toutefois avec les personnages féminins que le phénomène de la chevauchée érotique est le plus évident. Celle-ci est ainsi utilisée pour faire immédiatement comprendre aux téléspectateurs de Bridgerton que l’héroïne de la deuxième saison sera bien différente de celle de la première. Après Daphne Bridgerton (Phoebe Dynevor), l’oie blanche que l’on promenait gentiment en berline et qu’il fallait initier aux plaisirs de l’amour, voici la fougueuse, l’indomptable Kate Sharma. Dès sa scène de rencontre avec Anthony Bridgerton (Jonathan Bailey), le protagoniste en quête d’une épouse, la jeune femme apparaît beaucoup moins sage et moins conventionnelle que celle qui l’a précédée dans la série. Quel est l’élément qui permet au public de le deviner ? Absolument tout : non seulement Kate Sharma se déplace à cheval sans chaperon – les dialogues le soulignent – et le fait au galop, mais elle fait allègrement sauter à sa monture des obstacles, sous le regard effaré de son futur amant qu’elle bat à la course. De manière très symbolique, elle s’est également égarée en chemin et, élément de taille qui pourrait à lui seul résumer le tout, elle monte à califourchon[19]. Comme s’il était encore nécessaire de souligner davantage la sensualité et la personnalité hors-norme du personnage, Kate Sharma porte en outre une tenue qui n’est pas appropriée pour une telle chevauchée : lorsqu’elle fait franchir une haie à son cheval, les jupes de sa robe se soulèvent et laissent bien entendu entrevoir ses dessous.

À y regarder de plus près, les cavaliers et cavalières de Poldark et surtout de Bridgerton ne sont peut-être pas tout à fait les chauffards du XIXe siècle, mais ils font un usage pour le moins excentrique de leurs montures[20]. Hommes et femmes lancent leur cheval au galop au moindre prétexte, parfois pour empêcher un duel et s’interposer entre les adversaires au moment même où la balle est tirée, parfois pour aller simplement prendre des nouvelles d’un ami[21]. Dans la série américaine, celle des trois qui insiste le moins sur les désagréments du trajet en voiture hippomobile – les rues pavées peuvent s’y révéler étonnamment lisses[22] –, les adolescentes empruntent la berline familiale aussi aisément que s’il s’agissait d’un taxi. Soir après soir, éventuellement vêtues d’une grande cape, cet accessoire qui signale le complot, les jeunes filles vont faire leurs cachotteries dans les bas quartiers de Londres sans jamais éveiller le moindre soupçon chez leurs parents.

La dramatisation se fait donc volontiers au détriment non seulement de la vérité historique, mais aussi de la vraisemblance. Pride and Prejudice se démarque dès lors dans l’ensemble, car elle échappe à une telle surenchère. Quand les personnages s’y déplacent avec hâte, ils le font avec toute la lenteur inhérente aux voyages d’alors. Il suffit, pour s’en convaincre, de comparer aux galops systématiques des deux autres séries le trot tranquille de Bingley, se précipitant pourtant auprès de Jane pour lui demander sa main sans plus tarder, ou la manière très raisonnable dont Elizabeth puis Darcy quittent en urgence le Derbyshire. Il n’y a guère que la visite de condoléances de Mr. Collins, au cinquième épisode, qui paraisse peu crédible. On imagine assez mal un homme, même sot comme l’est le clergyman, effectuer un aller-retour de huit heures pour rendre à ses cousines une visite qui ne peut durer plus de quelques minutes. Mr. Collins pourrait sans problème effectuer le trajet Hunsford-Longbourn avec les moyens de transport modernes, mais au XIXe siècle, la logique veut qu’il envoie plutôt une lettre – ce qu’il fait bien dans le roman.

Jouer sur les codes de la route

Les invraisemblances de certaines scènes de voyage sont ainsi principalement dues à des anachronismes, volontaires ou non. Les transports sont d’époque, mais les attitudes et les réflexes sont d’aujourd’hui : voyager sans problème de nuit ou par mauvais temps, aller vite, prendre sa voiture sur un coup de tête. Si l’on compare les trois séries de ce point de vue, de tels décalages paraissent alors résulter avant tout de la volonté de respecter autant que possible l’imaginaire des téléspectateurs. Aucune des productions télévisuelles ne prétend proposer une vraie reconstitution historique, mais aucune ne cherche non plus, à l’inverse, à proposer simplement une version modernisée du XIXe siècle. Toutes trois se rejoignent donc dans leur utilisation des clichés parce qu’elles visent à exposer aux téléspectateurs l’époque telle que ceux-ci se la figurent. De là, la différence entre Pride and Prejudice, dont les créateurs veillent à flatter ou au moins à ménager des lecteurs possiblement scrupuleux de Jane Austen, et les deux autres séries, qui visent un public plus large[23].

Indice possible de cette préoccupation des producteurs et scénaristes, on peut remarquer en premier lieu l’absence de certains éléments qui paraissent anachroniques ou clichés, mais qui correspondent en réalité à des éléments historiques. Alors que Pride and Prejudice met systématiquement en images les lettres que s’échangent les personnages, la série ne montre par exemple de la fugue de Lydia que le départ de Brighton. Rien n’est représenté à l’écran des turnpike roads et de leurs péages, qui seuls pourtant permettent au colonel Forster de suivre la piste des fuyards jusqu’à Londres. Peut-être cela évoquerait-il trop, pour les téléspectateurs, un élément de la vie contemporaine. De la même façon, voitures embourbées, accidents de la route et bandits de grand chemin, qui composaient la réalité des voyages au XIXe siècle, sont bannis des trois séries télévisées[24]. Il n’y a guère que Mrs Bennet (Alison Steadman) qui en parle pour expliquer l’arrivée tardive des Gardiner au troisième épisode, mais le public est invité à ne voir là que les élucubrations d’une femme ayant lu trop de romans. Les créateurs des trois séries n’hésitent pourtant pas à enrichir les intrigues des romans de scènes nouvelles : pourquoi ne pas dès lors avoir ajouté l’un de ces éléments, au fort potentiel dramatique ? On peut formuler l’hypothèse que le tort de telles scènes est de ne pas correspondre aux attentes du public réuni devant une série se déroulant dans l’Angleterre du XIXe siècle. L’attaque de la diligence par exemple, indissociable du genre du western dans l’imaginaire collectif, pourrait paraître incongrue.

Semblable raisonnement de la part des créateurs des trois séries expliquerait aussi que les clichés présents à l’écran fassent avant tout appel à l’« imaginaire médiatique […] contemporain[25] » analysé par Matthieu Letourneux. C’est principalement le cas dans Poldark et dans Bridgerton, pour les raisons déjà mentionnées : non seulement les deux productions s’appuient sur des romans déjà eux-mêmes fortement marqués par la culture sérielle, mais elles sont diffusées après de nombreuses autres séries télévisées qui ont largement alimenté et forgé l’imaginaire des téléspectateurs. Le déjà vu, du moins s’il correspond aux projections du public, conforte ce dernier dans son choix de programme. Le cliché est rassurant. Il donne à voir aux téléspectateurs ce qu’ils désiraient voir, il offre des clefs de lecture faciles permettant de s’y retrouver dans des axes narratifs parfois brouillés – le visionnage ne se faisant pas nécessairement de manière continue – et il crée aisément un sentiment de connivence.

Lorsque les téléspectateurs voient Poldark prendre sur son cheval la sauvageonne Demelza qu’il vient de sauver, ils peuvent immédiatement prévoir ce qui arrivera trois épisodes plus tard : le mariage des deux personnages. Certes, la jeune fille encore sale et grimée en garçon est loin d’avoir alors le charme d’une Kate Sharma, mais la façon dont Poldark chevauche avec elle est hautement signifiante[26]. Le héros ne fait pas monter sa protégée en croupe, il la fait asseoir devant lui. Or, si Rousseau notait déjà la sensualité d’un tel corps-à-corps, qui oblige le cavalier à enlacer sa compagne, l’image convoque surtout le souvenir de multiples scènes similaires à la télévision, dans le cinéma d’aventures ou dans la littérature dite populaire[27]. Le schéma combinant sauvetage héroïque, jeune fille en détresse soulevée de terre puis chevauchée galante s’y rencontre davantage que dans les genres considérés comme plus légitimes[28].

Est-il par conséquent possible pour les œuvres télévisuelles d’échapper au discrédit, quand on voit combien le cliché est lié à leur mode de production ? Avec leurs scènes de voyage souvent stéréotypées, qui peuvent vite donner une impression de trop-plein tant elles multiplient les messages, les séries ne sont-elles pas condamnées à voir leurs effets tomber à plat[29] ? Il n’y a qu’à songer au saut d’obstacle de Kate Sharma sous l’orage, cliffhanger tellement caricatural à la fin du septième épisode qu’il en devient nécessairement grotesque pour une partie au moins des téléspectateurs[30].

Il est pertinent, là encore, de mettre Pride and Prejudice à part. Si la mini-série de la BBC comporte son lot non négligeable de clichés et de lieux communs, elle les utilise aussi sciemment ou les détourne, proposant une réflexion sur ceux-ci au sein de la diégèse. L’intrigue écrite par Jane Austen, en effet, y invite. Les téléspectateurs trouvent-ils kitsch la scène de la fugue, quand on voit Lydia s’enfuir de Brighton en pleine nuit ? Ils peuvent mettre les poncifs sur le compte du mauvais goût de la jeune fille, naïve et vulgaire comme sa mère. De même le public aura-t-il raison de penser que dans cette histoire, le hasard fait trop bien les choses et que la fréquence à laquelle Elizabeth tombe sur Darcy est franchement suspecte : le jeune homme s’arrange pour provoquer ces entrevues bien opportunes.

Dans cette intrigue que le roman clôt en faisant remarquer le rôle providentiel joué par les Gardiner, sans lesquels Elizabeth n’aurait pas fait son excursion décisive dans le Derbyshire, ce sont les protagonistes eux-mêmes qui favorisent, consciemment ou non, les rencontres amoureuses. Le retard d’une voiture ou son indisponibilité arrangent-ils les affaires sentimentales ? La mère d’Elizabeth, lectrice de romans, en est parfaitement consciente. Capable de tirer parti du romanesque d’une scène de pluie, comme de jouer sur les codes de la route, elle sait quand il est judicieux d’obliger sa fille à se déplacer à cheval. C’est ainsi que la cocasse et peu subtile Mrs Bennet peut se révéler, contre toute attente, la meilleure des scénaristes.

Conclusion

Élément souvent développé, voire ajouté par rapport aux romans dont les séries télévisées sont adaptées, la scène de voyage remplit de multiples fonctions à l’écran. Elle plante un décor, noue les liens de l’intrigue, rapproche ou écarte les personnages, tout en servant toujours de grille de lecture pour les téléspectateurs qui pourraient bien avoir manqué un épisode, ou simplement perdu le fil, à mesure que se succèdent les saisons. Dans la recherche perpétuelle d’efficacité qui caractérise les productions télévisuelles, elle contribue aussi à fidéliser ce public, auquel elle donne à voir, grâce aux clichés, ce qu’il attend d’une série se déroulant deux-cents ans avant sa propre époque. Le tourisme qui se développe sur les lieux de tournage après la diffusion des œuvres le prouve : la scène de voyage est vraiment celle qui, de bien des manières, transporte les téléspectateurs dans l’Angleterre du premier XIXe siècle.

Hélène DUBAIL

Université Paris Nanterre

 

Notes de pied de page

[1]

Les effets spéciaux numériques permettent aujourd’hui de contourner cette dernière difficulté, mais ils ne mettent pas fin à l’utilisation de voitures hippomobiles d’époque ou au tournage en décors naturels, comme nous le verrons dans le cas de Bridgerton.

[2]

Nous entendons le cliché au sens de forme figée, rebattue, qui peut devenir le support de lieux communs, c’est-à-dire d’« idées devenues trop communes » : Ruth Amossy et Anne Herschberg-Pierrot, Stéréotypes et clichés : langue, discours, société, Malakoff, Armand Colin, 2021, p. 27.

[3]

Voir Marie N. Sørbø, Irony and Idyll. Jane Austen’s Pride and Prejudice and Mansfield Park on Screen, Amsterdam, Rodopi, 2014, p. 130.

[4]

Voir Deirdre Le Faye, Jane Austen. The World of her Novels, Londres, Frances Lincoln, 2002, p. 62.

[5]

La définition du genre fait débat, car l’étiquette initialement péjorative a été créée pour critiquer certains films des années 1980 et 1990, tels que A Room with a View ou Howards End de James Ivory, qui auraient contribué à forger une identité nationale problématique. Sont en effet regroupés sous l’appellation heritage films des œuvres qui exposent, avec une nostalgie indéniable, un passé focalisé sur les classes les plus favorisées et leur patrimoine. Voir Claire Monk, « The British Heritage-Film Debate Revisited », in British Historical Cinema. The History, Heritage and Costume Film, Claire Monk et Amy Sargeant (dir.), Londres et New York, Routledge, 2002, p. 176-198.

[6]

Voir Jean-Pierre Digard, Une Histoire du cheval : art, techniques, société, Arles, Actes Sud, 2007, p. 130.

[7]

Sur le générique comme « fragment audiovisuel […] parsemé de signes et d’indices », voir Sébastien Hubier et Emmanuel Le Vagueresse, « Générique d’ouverture » in Séries TV génériques, Sébastien Hubier et Emmanuel Le Vagueresse (dir.), Reims, Épure, 2020, p. 7.

[8]

Voir James Edward Austen-Leigh, A Memoir of Jane Austen by her Nephew J. E. Austen Leigh, Londres, Richard Bentley and Son, 1871, p. 9.

[9]

Voir par exemple l’épisode 4 de Pride and Prejudice et les toutes premières minutes de Poldark, après la scène pré-générique située en Amérique.

[10]

Daniel Roche, Voitures, chevaux et attelages : du XVIe au XIXe siècle, Paris, Association pour l’académie d’art équestre de Versailles, Établissement public du musée et du domaine national de Versailles, 2000, p. 10.

[11]

On peut établir ici un parallèle avec la « pansignifiance » que Lise Dumasy-Queffélec relève dans le roman populaire. Ce dernier présente des univers clos où rien n’est insignifiant ni aléatoire, si bien que les signes, omniprésents, sont redondants. Voir Lise Dumasy-Queffélec, « Univers et imaginaires du roman populaire » in Le Roman populaire : des premiers feuilletons aux adaptations télévisuelles, 1836-1960, Loïc Artiaga (dir.), Paris, Autrement, 2008, p. 78.

[12]

Sur la redondance comme moyen d’accroître la lisibilité dans les fictions télévisées, voir Sarah Sepulchre (dir.), Décoder les séries télévisées, Louvain-la-Neuve, De Boeck supérieur, 2017, p. 159.

[13]

Marie N. Sørbø, op. cit., p. 155-156.

[14]

Sur les différentes fonctions narratives de la voiture hippomobile, et notamment sa « fonction fondamentale et conventionnelle […] d’inscrire le hasard, l’imprévu, l’incident ou les aléas de la vie moderne dans la littérature », voir Carsten Meiner, Le Carrosse littéraire et l’invention du hasard, Paris, Presses universitaires de France, 2008, p. 9.

[15]

Voir Deirdre Le Faye, op. cit., p. 54.

[16]

Voir Sophie Bridier, Le Cauchemar : étude d’une figure mythique, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2002, p. 77.

[17]

Voir Lisa Hopkins, « Mr. Darcy’s Body: Privileging the Female Gaze », in Jane Austen in Hollywood, Linda Troost et Sayre Greenfield (dir.), Lexington, The University Press of Kentucky, 1998, p. 112-115.

[18]

Voir Marie N. Sørbø, op. cit., p. 130.

[19]

D’un point de vue historique, la symbolique de la monte à califourchon pour les femmes est d’ailleurs beaucoup plus ambiguë, puisque la pratique est loin d’être aussi marginale que ce que laissent penser les œuvres de la culture populaire : voir Rosine Lagier, La Femme et le cheval, Janzé, C. Hérissey, 2009, p. 39 et p. 45.

[20]

Sur le coût du galop, qui entraîne la fatigue de la monture et l’usure de la voiture, voir Daniel Roche, op. cit., p. 14. Sur la législation imposant progressivement le trot au XIXe siècle, voir Jean-Pierre Digard, op. cit., p. 147-148.

[21]

L’explication de ces galops incessants est peut-être à trouver dans le mot du réalisateur américain Robert Flaherty (1884-1951), pour qui « le public ne se fatigue jamais de voir un cheval traverser la campagne au galop ». Voir Aymen Gharbi, « Le motif du cheval, entre le Nouvel Hollywood et Les Soprano », in Séries télévisées : hybridation, recyclage, croisements sémiotiques, Sébastien Hubier et Emmanuel Le Vagueresse (dir.), Reims, Épure, 2018, p. 129.

[22]

En effet, lorsque Bridgerton recourt à la transparence, ce trucage qui consiste à faire défiler l’image d’un paysage derrière les vitres du véhicule pour faire croire que ce dernier avance, les machinistes omettent d’imprimer quelques soubresauts à l’habitacle dans lequel se trouvent les acteurs. Les autres séries le font.

[23]

Voir par exemple toutes les précautions prises pour justifier les choix opérés par rapport au texte de Jane Austen dans Sue Birtwistle et Susie Conklin, The Making-of Pride and Prejudice, Londres, Penguin Books / BBC Books, 1995.

[24]

Voir Daniel Roche, op. cit., p. 13-18 et Deirdre Le Faye, op. cit., p. 61-62.

[25]

Matthieu Letourneux, Fictions à la chaîne : littératures sérielles et culture médiatique, Paris, Seuil, 2017, p. 50.

[26]

La scène véhicule d’autres messages dans le roman, où Demelza n’est encore qu’une enfant quand Poldark la recueille.

[27]

Voir Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions (I, IV), Paris, Classiques Garnier, 2011, p. 151.

[28]

Voir par exemple une telle scène au début de la série américaine Outlander (Starz, 2014-).

[29]

Sur le « mode de l’excès » hérité du mélodrame, voir Danielle Aubry, Du roman-feuilleton à la série télévisuelle : pour une rhétorique du genre et de la sérialité, Berne, Peter Lang, 2006, p. 63.

[30]

Sur les caractéristiques du cliffhanger, voir Sarah Sepulchre (dir), op. cit., p. 69 et p. 199.

Référence électronique

Hélène DUBAIL, « Transports et clichés : Voyager dans l’Angleterre du premier XIXe siècle », Astrolabe - ISSN 2102-538X [En ligne], Voyager dans le XIXe siècle avec les séries, mis en ligne le 30/08/2023, URL : https://crlv.org/articles/transports-cliches-voyager-dans-langleterre-premier-xixe-siecle