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« OLKAAMME SIIS SUOMALAISIA »
Mythologie ancienne et nationalisme
en Finlande aux xviiie et xixe siècles
« Ruotsalaisia emme ole, venäläisiksi emme koskaan voi tulla, olkaamme siis suomalaisia », c’est-à-dire « nous ne sommes pas Suédois, nous ne voulons pas devenir Russes, soyons donc Finlandais ». Pour sa position privilégiée entre le Lac Ladoga, la Mer Blanche et la Mer Baltique, la Finlande a toujours été au centre des intérêts économiques russes et suédois. Déjà au cours du IXe siècle, les Caréliens avaient établi des routes commerciales avec la Mer Blanche à travers la Laponie ; mais entre le IXe et le Xe siècle le contraste se fait encore plus prononcé, au moment de la conversion de la Suède au Catholicisme et de la Russie à la foi orthodoxe. Autour des années 1150 on commence la christianisation de la Finlande avec, en conséquence, un rattachement à la Suède. Mais la noblesse suédoise y pénètre tard, quand une classe aisée de cultivateurs et une élite militaire s’y sont déjà formées ; pour cette raison, le gouvernement suédois laisse une grande autonomie à ce territoire lointain ; la Finlande profite de toutes les initiatives réformatrices et connaît une période de liberté incroyable à cette époque (c’est bien pour cela que les idées de la Révolution française n’ont pas un grand impact sur la Finlande : elle connaissait déjà depuis plusieurs siècles cette liberté de pensée que la France n’atteindra qu’au XVIIIe siècle). Au contraire, le contraste avec la Russie obscurantiste s’accentue, surtout après la conquête par la Finlande du titre de Grand-duché en 1518. Des occupations russes, plus ou moins longues, se succèdent pendant le XVIIe siècle, jusqu’à la Paix d’Uusikaupunki en 1721, signée par Charles XII, qui cède au tzar l’Estonie, la Livonie, l’Ingrie et la partie sud-orientale de la Finlande. La conquête russe totale est proche et, en effet, les premières attaques portent à la capitulation de Suomenlinna, archipel fortifié en face de Helsinki, en février 1809. En mars, Alexandre Ier convoque à Porvoo l'Assemblée générale des États et pour la Finlande se configure un futur comme État autonome. Enfin, le 17 septembre 1809, avec le traité de Hamina, Charles XIII de Suède cède à la Russie toute la Finlande et les îles d’Åland. La Finlande maintient son statut de Grand-duché et, en 1816, le tzar concède la constitution d’un Sénat, avec une section économique et une section judiciaire. Suite à l’incendie qui dévaste la ville de Turku, le gouvernement russe décide de transférer la capitale à Helsinki, officiellement pour des raisons de sécurité. Le véritable objectif est celui d’éviter l’influence suédoise toujours présente dans cette ville, qui se trouve juste en face de la Suède. De plus, Helsinki est militairement mieux défendue, grâce à la forteresse de Suomenlinna, dont on fait mention dans tous les récits des voyageurs qui visitent la Finlande au XIXe siècle ; c’est à partir de 1816 que le tzar confie à l’architecte Carl Ludvig Engel le travail de construction de la capitale, pour lui donner cet aspect néoclassique et élégant qui la caractérise encore aujourd’hui.
La place du Sénat (« Senatiintori ») de Helsinki, avec la cathédrale protestante à droite,
l’Université à gauche et la Bibliothèque universitaire (« Rotunda ») au centre,
dans une gravure du XIXe siècle
Isolée de l’Europe occidentale, par la politique russe, la Finlande développe une culture autonome qui renforce l’idée d’une nécessité de naissance d’un état national. Après les gouvernements d’Alexandre Ier et de Nicolas Ier, très absolutiste, Alexandre II commence à entreprendre une modernisation de la Russie et offre plusieurs concessions à la Finlande, en premier lieu de rouvrir le Parlement, le 18 septembre 1863, après cinq ans de luttes. Le statut de Grand-duché continue à maintenir ses privilèges sous Alexandre III et Nicolas II, mais à l’entrée dans le XXe siècle, à côté du mouvement nationaliste finnois, les idées socialistes commencent à entrer en Finlande : les syndicats de travailleurs s’organisent dans une résistance active, pour obtenir du tzar une restructuration de « la représentation nationale fondée sur le suffrage universel, direct et légal ». Le 20 juillet 1906, Nicolas II signe la « loi organique » et on crée l’Eduskunta, une chambre unique de deux cents membres, élus au suffrage universel mixte : les Finlandaises sont, donc, les premières femmes en Europe à obtenir le droit de vote. En n’ayant plus d’armée, la Finlande ne participe pas directement à la première guerre mondiale, mais la crise interne est aux portes, c’est bientôt le 15 mars 1917, date de la Révolution. Le 6 décembre, la Finlande proclame son indépendance. On doit encore faire face à un an et demi de guerre civile contre les troupes russes qui ne s’étaient par retirées des territoires finlandais, mais le 17 juillet 1919, la Constitution entre en vigueur et le 25 juillet, Kaarlo Julius Stahlberg est élu chef d’État.
The story of nationalism in Finland is […] largely the story of the tortuous course that had to be traversed before the use of the Finnish language spread into the home of the academician and the men of business, into the lecture rooms of school and university, into the halls of the parliament as well as the council chambers of ministers of state.[1]
La situation politique et culturelle de la Finlande a toujours favorisé la diffusion de la langue suédoise aux plus hauts niveaux de la société, le finlandais n’étant parlé que par les paysans de la campagne ; du point de vue littéraire, au cours du XVIe siècle, les seuls textes en finlandais sont des œuvres religieuses, comme le Nouveau Testament, les Psaumes et le Livre des Prières, tous traduits par Michael Agricola (1510 – 1557). Le seul ouvrage à caractère didactique, écrit par Agricola, est l’ABC-kirja, sorte de résumé de la culture et de l’histoire finlandaise, à l’usage des écoles, où on trouve la première liste des anciennes divinités finnoises, y compris Väinämöinen (appelé Äinemöinen) et Ilmarinen. Un nouvel intérêt pour la culture traditionnelle commence à se développer pendant le XVIIIe siècle, grâce au groupe d’étude qui se forme à Turku, dans le cadre de l’université ; il est intéressant de remarquer l’étrangeté de cette situation, car il faut attendre la deuxième moitié du XIXe siècle pour trouver des études sur la culture finlandaise en finlandais : le mouvement romantique de redécouverte de la tradition et de la langue finlandaise naît dans une ville et dans une université depuis toujours influencées par la Suède et les premiers journaux et œuvres, expliquant la culture finlandaise, sont en suédois ! (L’Académie de Turku avait été fondée par Gustave-Adolphe et Christine de Suède en 1640 et elle était l’université la plus ancienne en Finlande ; tous les voyageurs du XVIIIe et XIXe siècle visitent et décrivent l’Académie et louent l’importance des ses études et des professeurs).
L’Académie de Turku (1640), dans une gravure du XIXe siècle
Le premier grand représentant de ce groupe est le professeur Henrik Gabriel Porthan (1739 – 1804), qui remarque l’état déplorable de la langue finnoise, connue seulement par les paysans ; entre 1766 et 1778, il publie De poësi Fennica, où il soutient que c’est dommage que les Finlandais ne connaissent et, surtout, n’admirent pas la poésie finnoise. À ce propos, pour répandre l’ancienne littérature, il fonde la « Sällskapet Aurora » (Société Aurora) et commence à publier le premier journal finlandais en langue suédoise, Tidningar utgifne af et sällskap i Åbo, appelé plus simplement Åbo Tidningar, avec plusieurs articles sur la culture finlandaise. Mais c’est avec la conquête russe qu’on voit la naissance d’un vigoureux mouvement nationaliste, qui comprend que l’unité de langue et la redécouverte des anciennes origines finnoises sont les seuls moyens qui peuvent conduire le pays sur la route de l’indépendance.
Les études patriotiques étaient, donc, déjà nées à Turku, mais ce n’est pas dans la ville finlandaise la plus suédoise par excellence qu’elles sont continuées : c’est à Porvoo, dans le centre de la Finlande (et donc plus près de la Carélie, la région finlandaise la plus traditionnelle) qu’un groupe de quatre finlandais se réunie et, entre 1806 et 1813, commence à travailler pour récupérer l’ancienne littérature finlandaise ; il s’agit d’Adolf Ivar Arwidsson (1791 – 1858), d’Abrahm Poppius (1793 – 1866), d’Anders Sjögren (1794 – 1855) et de Carl Axel Gottlund (1796 – 1875). Le savant allemand Johann Gottfried von Herder est la source inspiratrice, avec son Ardrastea, où il dénonce la problématique situation allemande : les langues et les littératures primitives sont en train de disparaître, et sont remplacées par des imitations de modèles culturels étrangers, quand au contraire l’âme nationale s’exprime surtout à travers la poésie ancienne et folklorique[2]. Originaire de la région du Savo (la région des lacs en Carélie), Poppius met immédiatement en pratique l’enseignement allemand, recueille plusieurs poèmes de son territoire natif et devient lui-même le premier poète romantique finlandais. La tétrade se perfectionne, dans les années suivantes, à Uppsala, pour débarquer enfin à l’université de Turku : les trois objectifs qu’elle se pose sont de créer un sens de l’orgueil national, en exaltant le passé, de persuader les Finnois de langue suédoise à apprendre le finlandais et de créer une littérature nationale en langue finlandaise. Dans ce but, on publie les premiers journaux en finlandais, Suomenkieliset Tietosanomat, qui a peu de succès et ne survit qu’une année (1775 – 1776), et Turun Wiikko-Sanomat, en 1820. Arwidsson est le plus polémique, son « soyons donc Finlandais » crée quelques problèmes à Turku, où les autorités commencent à croire qu’une séparation linguistique peut conduire à une séparation politique. Son journal Åbo Morgonblad ne reste ouvert que dix mois en 1821, l’année suivante Arwidsson est expulsé de l’université, où il était professeur d’histoire et, en 1823, il part en exile en Suède. Bien qu’Arwidsson soit éloigné de la Finlande, en 1822, un autre groupe d’étudiants s’inscrit à l’université de Turku, trois noms qui constitueront la « triade romantique » finlandaise : Johan Ludivig Runeberg (1804 – 1877), Elias Lönnrot (1802 – 1884) et Johan Vilhelm Snellman (1806 – 1881). Runeberg et Lönnrot créent les deux filons littéraires finlandais par excellence, la poésie du paysage et la poésie épique, tandis que Snellman combine la pensée nationale et la pensée sociale, en conduisant la langue finlandaise à l’égalité de valeur avec le suédois. Les deux œuvres les plus célèbres de Runeberg, Elgskyttarne (Les Chasseurs d’Élan) et Fänrik Stål sägner (Les Légendes de l’Enseigne Stål), présentent une image harmonieuse de la vie traditionnelle finlandaise et un portrait idéalisé du Finlandais pauvre mais industrieux, qui est repris par tous les voyageurs européens qui visitent la Finlande pendant le XIXe siècle. Le décor enchanté des lacs et des montagnes se relie à l’image de fidélité du peuple finlandais et touche les accents patriotiques dans le poème Maamme Laulu (Le chant de notre terre), composé par Runeberg en 1846 et adopté comme hymne national deux ans plus tard. Ici, le poète s’inspire de chants magyars de Vörösmarty, dont il supprime tous les éléments de la violence hongroise pour construire
un hymne ample et chaleureux à la beauté de son pays, à l’âme de ce peuple finlandais si grave, si vaillant, si viril[3].
La Finlande commence à être souvent représentée par une jeune fille ou une paysanne qui porte le drapeau finnois et qui a derrière elle le paysage typique, avec les lacs et les bois[4], et à l’Exposition Universelle de Paris en 1889, la Finlande participe avec enthousiasme, pour souligner son appartenance à l’Europe.
La personnification de la Finlande,
comme une La personnification de la Finlande comme une jeune fille qui soutient le drapeau finnois petite fille,
accueillie par la France, représentée devant un paysage bucolique par une dame,
à l’Exposition Universelle (1889)
La nature en tant que sujet de réprésentation est reprise à la fois dans la peinture et dans la musique : Akseli Gallen-Kallela et Eero Järnefelt réalisent plusieurs tableaux représentant les paysages caréliens, pendant que Jean Sibelius compose de nombreux morceaux pour pianos et violons en s’inspirant de la nature finlandaise et sa célèbre Karelia Suite, dont le troisième mouvement est directement construit sur un motif folklorique carélien.
Ces mêmes artistes se plongent aussi dans la réalisation d’ouvrages traitant du Kalevala, comme les tableaux de Gallen-Kallela ou Lemminkäinen Suite, Tapiola et Kullervo de Sibelius qui crée aussi une sorte de musique nationale (par exemple, la composition pour orchestre Finlandia), en s’inspirant surtout de Grieg et de Wagner.
Kullervo, un des personnages du Kalevala, peint par Akseli Gallen-Kallela
Déjà entre 1822 et 1831, le savant Zachris Topelius avait publié les Suomen Kansan Wanhoja Runoja (Anciens poèmes du peuple finlandais), recueillis dans la partie orientale de la Carélie ; dans ces mêmes années Lönnrot écrit son premier essai sur Väinämöinen en latin (De Väinämöine) et commence à voyager en Carélie. Entre 1829 et 1831 il publie une première anthologie de poèmes (Kantele taikka Suomen kansan sekä wanhoja että nykyisempiä runoja ja lauluja, c’est-à-dire Kantele, ou poèmes et chants anciens et contemporains du peuple finlandais), mais c’est en 1832 qu’il commence son long voyage dans l’Est de la Carélie, après avoir fondé à Helsinki la Suomalaisen Kirjallisuuden Seura, la Société de Littérature Finlandaise. Les différents cycles sur Väinämöinen, à la recherche du mythique « sampo », sont publiés enfin en 1835, sous le titre de Kalewala taikka wanhoja Karjalan runoja Suomen kansan muinaisista ajoista (Kalevala, ou anciens poèmes caréliens des temps anciens de la nation finlandaise), cinq ans après, on publie le recueil de poèmes Kanteletar taikka Suomen kansan wanhoja lauluja ja wirsiä (Kanteletar, ou anciens chants et hymnes du peuple finlandais).
The Kalevala and the cultural work based on it gave the Finns a new-found pride in their past, a courage to face an uncertain future, and, above all, a feeling of self-esteem they had never known before. […] The Kalevala had thus become their book of independence, their passport into the family of civilized nations. […] The publication of the Kalevala had an almost magical effect upon the young Finnish nationalists, on the « Fennomaniacs ». At least they had the evidence, the ammunition, to renew the attack begun fifteen years earlier by Arwidsson.[5]
J. G. Linsen, président de la Société de Littérature Finlandaise en 1836, résume ces concepts en déclarant que finalement, maintenant, la Finlande peut dire : « moi aussi, j’ai une histoire ! » en se basant sur le Kalevala. En effet, les nationalistes voyaient dans le Kalevala le souvenir d’un passé noble et héroïque et surtout le modèle à partir duquel construire un pays moderne : comme on avait réunifié le Kalevala, on pouvait penser réunifier la Finlande, en la réunissant autour d’une seule langue, le finlandais.
L’épique kalévaléenne se répand dans toute l’Europe, elle est traduite et fait l’objet d’études comparées avec les épopées grecques ; elle est particulièrement admirée en Allemagne et en France ce qui remplit les Finlandais de fierté;
Entre les sauvages montagnes de la Laponie et les deux principaux golfes de la mer Baltique, il existe une contrée pittoresque, curieuse, qui, à travers toutes les vicissitudes du temps, a conservé […] sa langue ancienne et sa poésie. C’est la Finlande.[6]
Le voyageur qui parle est Xavier Marmier, un des hommes de lettres français les plus intéressés à la culture finlandaise et un des savants qui plus contribue à répandre la connaissance de la littérature finlandaise en France, grâce à ses fréquents contacts avec le monde intellectuel finnois ; il est parmi les fondateurs de la Bibliothèque Nordique de Paris et ses récits de voyages deviennent la référence pour les voyages suivants.
À la lumière des événements évoqués, les intellectuels finnois commencent à vouloir apprendre le finlandais, mais les écoles sont encore trop peu nombreuses. À partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, on voit la construction de plusieurs nouvelles écoles et collèges en finlandais (la première est fondée en 1858 à Jyväskylä), mais déjà en 1839 Mathias Castrén (1813 – 1852) était devenu le premier professeur de finlandais à l’université de Helsinki. L’année fondamentale, dans cette querelle de la langue, est 1863 : Snellman convainc, en effet, le tzar de signer un édit qui rend le finlandais égale au suédois dans les bureaux et dans les salles de justice. Les écoles de préparation pour les futurs enseignants de finlandais se multiplient alors et, à la fin du siècle, les étudiants finlandais dépassent en nombre les suédois. De plus, plusieurs publications et journaux, en finlandais simple et compréhensible par tous, commencent à être imprimés : il suffit de penser qu’en 1835, année de publication du Kalevala, on n’imprimait qu’un journal en finlandais ; vers la moitié du siècle on était déjà passé à quatre ; en 1885, au cinquantenaire du Kalevala, on en est arrivé à trente et un et en 1910, pour le soixante-dixième anniversaire de la publication de l’épopée, on imprime en Finlande quatre-vingt-six journaux au total.
Le finlandais est devenu langue officielle, avec le suédois, et l’ancienne mythologie du Kalevala se répand dans la vie quotidienne, à partir de la peinture et de la musique, comme on l’a déjà vu, mais aussi dans la poésie moderne, surtout pour la propagande politique anti-russe : le poète Eino Leino (1878 – 1926) utilise le mètre du Kalevala pour développer des thèmes traitant de l’épopée folklorique et pour écrire des poèmes dans lesquels il attaque la tyrannie de la Russie ; les Baltofinnes se nomment « fils de Väinämöinen » et les Caréliens, soumis au pouvoir oppressant du tzar, deviennent le « peuple de Kaleva », comme toute la Carélie est généralement appelée « royaume de Väinämöinen ». L’épisode entier de la mère de Lemminkäinen qui, comme une nouvelle Isis, va rechercher dans le fleuve les morceaux du corps de son fils, pour le recomposer et lui redonner la vie, devient métaphore du peuple finlandais, qui cherche à réunir les différentes parties de son ancien corps pour rendre une nouvelle vie à la nation.
La mère de Lemminkäinen dans un tableau de Gallena-Kallela
Dès la moitié du XIXe siècle, les Finlandais ont commencé à changer leurs noms de la forme suédoise à la forme finnoise, et des prénoms comme Väinö et Ilmari sont devenus très répandus en Finlande. Dernièrement, pendant la guerre civile de 1917-1918, les Finnois blancs et les Finnois rouges (les communistes) font des références aux personnages kalévaléens dans les chants de guerre et donnent à leurs bataillons respectifs des noms en code, comme Väinämöinen et Ilmarinen ; mais il est intéressant de rappeler, enfin, une curiosité de la Finlande d’aujourd’hui : en arrivant dans la « terre de Kaleva » on peut constater que les trois plus importantes banques nationales ont choisi les noms pompeux de Sampo, Pohjola et Tapiola, bien évidemment tirés du Kalevala, la grande épopée à la gloire de la nation finlandaise.
Alessandra Grillo
Notes de pied de page
- ^ John H. Wuorinen, Nationalism in Modern Finland, New York, Columbia University Press, 1931, p. 3 (L’histoire du nationalisme en Finlande est surtout constituée de l’histoire du tortueux parcours qu’elle a accompli pour arriver à la diffusion du finlandais dans les maisons des académiciens et des hommes d’affaires, dans les salles d’écoles et d’universités, dans les halls du parlement ainsi que dans les chambres du conseil des ministres d’état).
- ^ C’est intéressant de remarquer que la traduction littérale finlandaise du mot « folklore » est « kansanrunous », c’est-à-dire « poésie du pays ».
- ^ Lucien Maury, L’Imagination scandinave, Paris, Perrin et Cie, 1929, p. 62.
- ^ On retrouve le thème d’un pays représenté par une jeune fille dans la littérature irlandaise, par exemple dans la pièce de théâtre Cathleen Ni Houlian de W. B. Yeats, où une vieille femme convainc le jeune protagoniste à ne pas se marier et à la suivre. Elle est vieille au début, mais à la fin elle se transforme en une très belle jeune fille qui se révèle être l’Irlande même qui demande à ses jeunes de la suivre, de combattre et de mourir par amour pour elle. Dans la poésie folklorique irlandaise, l’Irlande est souvent appelée sous le nom ’affectueux de Cathleen.
- ^ William A. Wilson, Folklore and Nationalism in Modern Finland, Bloomington-London, Indiana University Press, 1976, p. 2 et p. 53-54 (Le Kalevala et le travail culturel basé sur lui redonna aux Finnois une fierté pour leur passé, le courage pour faire face au futur incertain et, surtout, une sensation d’estimation de eux-mêmes qu’ils n’avaient jamais connue. Le Kalevala était ainsi devenu leur livre de l’indépendance, leur passeport pour la famille des nations civilisées. La publication du Kalevala eut un effet presque magique sur les jeunes nationalistes finlandais, sur les « Fennomanes ». Finalement, ils avaient le témoignage, les munitions, pour renouveler l’attaque commencée quinze ans auparavant par Arwidsson).
- ^ Xavier Marmier, Souvenirs de voyage et traditions populaires. France, Allemagne, Suède, Finlande, Paris, Charpentier, 1841, p. 328.