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LIRE THÉOCRITE À SYRACUSE
Le voyage en Italie de Johann Gottfried Seume (1801-1802)
« Me voici en train de lire Théocrite dans sa ville natale. J’aimerais te voir auprès de moi pour partager ce plaisir qui n’en serait que plus grand. »
Parti début décembre 1801 de Leipzig, Johann Gottfried Seume, ancien militaire et ensuite correcteur chez le célèbre éditeur Göschen, peut enfin réaliser son rêve, celui de lire les poèmes de Théocrite à Syracuse, après avoir parcouru l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie. Suivant un itinéraire plutôt standardisé et courant chez les voyageurs en Italie des XVIIIe et XIXe siècles, Seume arrive d’abord à Trieste, traverse la Vénétie, descend le long de la côte adriatique, en traversant les Apennins pour rejoindre Rome et Naples, où il s’embarque vers Palerme. Après avoir sillonné la Sicile, Seume reprend la mer vers Naples et remonte à Rome, d’où il choisit la route toscane (Sienne et Florence), pour gagner ensuite Bologne et Milan et passer en Suisse, à Paris et, enfin, à nouveau en Allemagne.
Adressées à un ami imaginaire, les lettres qui constituent le Voyage à Syracuse (première édition 1803, deuxième édition 1805) proposent un parcours assez standardisé du voyage en Italie, sauf pour la partie concernant, justement, la Sicile qui, à l’époque était moins visitée. Cependant, Seume se conforme à ses prédécesseurs en terre sicilienne, obligé d’ailleurs par la conformité du territoire et par l’absence de routes, à l’exception de celles qui relient les villes principales (Palerme, Messine, Syracuse, etc.)
La description des villes les plus importantes (Venise, Bologne, Milan, Florence, Naples) reprend la tradition du voyage en Italie, avec la citation des auteurs classiques, mais dans le cas de Rome et de Naples, Seume ajoute une forte critique sociale, contre les gouvernements : les Bourbons et surtout l’État de l’Église. Seume décrit l’extrême pauvreté vue dans les rues, ainsi que la saleté des deux villes, en soulignant les fortes injustices sociales qui règnent dans le pays. Le voyageur, admirateur de Napoléon, n’hésite pas à critiquer le pouvoir vatican et les pratiques religieuses, qu’il dépeint comme pures superstitions. Mais dans ce cas aussi, son texte reprend une vague présente dans d’autres récits de voyage en Italie de l’époque, en particulier celui de Patrick Brydone, cité d’ailleurs par le même Seume.
Malgré les critiques que Seume reçut à son époque, pour les imprécisions que son texte contient, le Voyage à Syracuse reste un des récits de voyage allemands en Italie les plus connus. La traduction proposée par Marcel Mouseler se base sur l’édition de 1805 et présente un apparat de notes critiques très exhaustives, accompagné d’une postface qui retrace l’histoire du récit, les sources et le débat intellectuel construit tout autour de cet ouvrage à l’époque de Seume.
Alessandra Grillo Orlandini
Quatrième de couverture
Le 6 décembre 1801, un Saxon, ancien militaire sous les drapeaux de George III d’Angleterre, de Frédéric II de Prusse, de Catherine II de Russie, puis correcteur chez le fameux éditeur Göschen, met à exécution son projet de parcourir l’Italie, prétendument en vue d’aller lire sur place, à Syracuse, Théocrite, l’un de ses poètes favoris. Le récit de cette expédition pédestre sera, dès sa parution en 1803, l’une des relations de voyage les plus populaires d’Allemagne. La traversée des Alpes enneigées au cœur de l’hiver, de régions inondées en Italie du nord ou dans les Marais Pontins, la peur omniprésente des brigands et leur rencontre, les démêlés avec les aubergistes, les scènes de carnavals, les aventures burlesques en Sicile, l’ascension de l’Etna et du Vésuve, les passages sur les champs de batailles récentes, et tant d’autres épisodes palpitants ont séduit des générations de lecteurs. Ce récit est, aussi, le témoignage d’un tard venu des Lumières, intransigeant sur les principes d’égalité et de justice. C’est à cette aune qu’il jauge les contrées qu’il traverse, la misère des populations qu’il côtoie, l’impéritie des puissants qu’il condamne. D’où ces réflexions d’ordre politique, social ou religieux dont la hardiesse stupéfia les premiers lecteurs d’autant plus que ce voyageur n’hésitait pas à s’en prendre au césarisme de Bonaparte, à la politique du Premier consul en Italie, en France et en Allemagne. Seume sait aussi confi er à ses lecteurs les émois de l’humaniste amoureux de l’histoire ancienne, des belles lettres, des beaux-arts, du théâtre et de la musique, voire glisser dans son texte, de-ci, de-là, une touche d’érudition. En somme, à cette relation de voyage pourrait s’appliquer le jugement formulé par le poète allemand Hebbel à propos du Faust de Goethe : « C’est un ouvrage dont le charme séduit les masses autant que les classes cultivées. »