Voyages et nouvelles lectures de la Bible au XVIIIe siècle.

Conférencier / conférencière

Mme Marie-Hélène Cotoni déclare traiter d’un sujet qui ne va pas de soi, car les voyageurs ne sont nécessairement des lecteurs de la Bible et les lecteurs critiques de la Bible voyagent rarement au XVIIIe siècle. Une personnalité comme Robert Challe est de ce point de vue exceptionnelle : l’auteur du "Voyage aux Indes orientales" et des "Mémoires sur l’Acadie" est aussi le philosophe des "Difficultés sur la religion". Le parallèle des superstitions païennes et des superstitions chrétienne fait le lien entre les textes de ce véritable voyageur. Quel est le rapport entre la Bible – le livre de la parole – et le livre du monde, celui de l’expérience personnelle ? Au XVIIIe siècle, la Bible a un double statut : l’expression d’une vérité absolue, littérale (dont la géographie et les sciences) et un objet qui est confronté avec le vécu. En Chinois, les termes qui désignent les fondements mêmes de la théologie occidentale n’ont pas de traduction et d’équivalent (Dieu, création, etc.). D’autre part, la Bible est un discours sur le vécu du peuple juif : est-il universel ? Challe analyse dans le 3e Cahier des "Difficultés" les traits communs aux religions : goût du merveilleux, miracles. Toutes les religions se prétendent uniques et extraordinaires par les miracles qui les authentifient ; mais toutes les religions étant à miracles, elles se valent et se détruisent toutes. La Bible est un document que l’on peut analyser scientifiquement : la chronologie chinoise va au-delà de ce qui est considéré comme la date de la création, le déluge " universel " est inconnu en Amérique, le monogénisme – ou la descendance de Noé – est contredit par la variété des races humaines (Diderot, " Supplément au Voyage de Bougainville ; Voltaire, article " Population " des " Questions sur l’Encyclopédie "). Les relations de voyages aménent à nier toute prééminence au christianisme, sans pourtant marquer de l’intérêt pour les autres religions découvertes au cours du périple viatique. La littérature anti-religieuse utilise pourtant les bonzes chinois (Joseph Raby et les " trois imposteurs "), les talapoins siamois et autres " sauvages " pour mettre en cause les religions révélées occidentales. Dans le domaine plus concret de la géographie biblique, l’article " Judée " du " Dictionnaire philosophique " de Voltaire fait de la Terre sainte un lieu désertique et bien incapable de produire quelque chose d’universel. Chateaubriand y répond dans une " Dissertation " du " Journal de Jérusalem " (publié seulement au XXe siècle), où l’auteur de l’ " Itinéraire de Paris à Jérusalem ", en dehors de toute lecture théologique ", voit un désert créateur dans sa nudité même du monothéisme.

Mots-clés : religion. critique. Israël. superstition. origine.

Référencé dans la conférence : Littérature de voyage : lieux et idéologie
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