Rencontre avec Gérard Macé

Conférencier / conférencière

Gérard Macé est l’un des auteurs qui illustre et incarne le mieux la formule de « l’itinéraire poétique », un de ceux qui incite à la prendre au sens littéral comme au sens figuré, qui invite à jouer de toutes les acceptions de la langue, et dans cet espace ainsi créé, espace qu’on pourrait nommer défaut, à en déployer la richesse et la complexité.
Comme l’un de ces derniers livres en témoigne (Ethiopie, le livre et l’ombrelle ), l’itinéraire poétique peut servir à décrire un déplacement dans l’espace, dans le temps comme dans la culture, un déplacement qui mêle le sensible et le spirituel – qui n’est pas réductible au religieux –, l’histoire et la fable, et pour reprendre les termes du débat instauré au début du siècle dernier par Victor Segalen : le réel et l’imaginaire. La référence à Segalen n’est pas fortuite, Gérard Macé en a préfacé Le Double Rimbaud, et pour un auteur également passionné par Hitchcock, cette fascination pour le thème du double ne manque de provoquer le vertige.
Retracer son itinéraire personnel nous confronte finalement, au-delà du caractère rhétorique de l’exercice, à ce thème du dédoublement.
Editeur scientifique de l’œuvre de Saint-Pol Roux, de Segalen aussi, il se fait passeur de textes.
Et de langues. Traducteur de Giorgio Agamben et de quelques autres romanciers italiens – la traduction comme passage d’une langue à l’autre – le trajet est proprement métaphorique. Mais il s’enrichit de l’expérience de l’Italie qui a été pour lui une destination et un séjour. Ecrivain sédentaire et nomade.
Ecrivain passionné par l’architecture (Rome et le firmament), la calligraphie, la photographie, le cinéma (Colportages III) : curieux vis-à-vis des arts mitoyens de la littérature, arts réunis dans leur commune ambition de représenter le monde, de le transposer.
Si la formule lui convient particulièrement bien, c’est me semble-t-il parce que l’imaginaire promu dans son œuvre est d’une espèce autre que l’imaginaire du roman, et que s’il s’adonne à écrire sur ses voyages, c’est aussi en se détachant des récits traditionnels.
Après ce discours d’enseigne, Gérard Macé revient sur quelques textes issus de son livre Illusions sur mesure. Refusant d’emblée l’étiquette d’« écrivain-voyageur », comme les distinctions trop strictes entre prose et poésie, il invoque successivement – suggérant ainsi leur identité – la liberté et « le quart de tour » propre à la littérature et au voyage pour qualifier son approche des lieux. Il n’existe pour lui aucune opposition entre les livres et la vie, mais bien plutôt une continuité : les premiers seraient les intercesseurs de la seconde qui n’est pas de l’ordre d’une vérité supérieure mais leur incarnation sensible. Hawthorne, Conrad, Nerval, Coleridge le précèdent, l’accompagnent, l’inspirent. Un art d’écrire qui serait un art de vivre, où poétique et éthique seraient synonymes.
Le voyage, le mythe, la fiction sont intimement mêlés dans ce que Gérard Macé désigne comme une rêverie développée. Une rêverie sensuelle où l’amour du savoir trouve à s’incarner et l’instant présent se démultiplie. Une rêverie savante qui est la pratique d’un « exotisme à double détente », qui répond à l’appel de ce qui est obscur sans en ôter l’ombre.
Une rêverie qui se dit « fantasticare » en italien, « élucubrer » en français, et qui conviendrait aussi à décrire l’état d’esprit du photographe qu’il est devenu. Alternance d’abandon et de tension, d’apparence et de disparition, la photographie empêche toute présence continue, toute prétention à la totalité, elle sauve de la préciosité comme l’avouait Henri Cartier Bresson, un de ses maîtres et compagnons.
Jean-François Guennoc

Bibliographie

Segalen, Victor (1878-1919), Le Double Rimbaud [Texte imprimé] / par Victor Segalen, préface de Gérard Macé, Montpellier, Éditions Fata Morgana, collection Explorations, 1979, Collection, Bibliothèque artistique et littéraire,1986.
Macé, Gérard (1946-...), Rome ou le Firmament [Texte imprimé] / Gérard Macé, Publication, Fontfroide-le-Haut, Éditions Fata Morgana, 1983, 1986, Cognac, Le Temps qu'il fait, 2006.
Muñoz, Isabel (1951-...), Macé, Gérard (1946-...), Rome, l'invention du baroque [Texte imprimé] / Isabel Muñoz & Gérard Macé, Paris, Marval, 1997.
Macé, Gérard (1946-...), Un monde qui ressemble au monde [Texte imprimé], les jardins de Kyôto / Gérard Macé, Paris, Marval, 2000.
La photographie sans appareil, Cognac, Le Temps qu'il fait, 2001.
Mirages et solitudes, Cognac, Le Temps qu'il fait, 2003.
Illusions sur mesure, Paris, Gallimard, Collection Blanche, 2004.
Ethiopie, le livre et l’ombrelle, Cognac, Le Temps qu’il fait, 2006.

Référencé dans la conférence : Écritures contemporaines du voyage
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