Religion, sexualité et marine.

Conférencier / conférencière

Religion, sexualité et marine : termes qui, deux à deux, fonctionnent bien, mais plus délicats à traiter ensemble. Pourtant, dès l'Antiquité, la mer (pontos) est associée aux puissances divines aussi bien masculines que féminines (de Poséidon à Aphrodite qui favorise les bonnes traversées). A Rome, le « navigium Isidis » (Apulée) marque en mars l'ouverture de la mer à la navigation. Outre cette déesse égyptienne, Minerve reçoit les libations propitiatoires des marins. A l'époque médiévale, religion et superstitions forment un ensemble indissociable où domine en mer la dévotion mariale. Les noces du Doge de Venise avec la mer marquent le lien charnel qui associe la cité à la mer. Les marins passent dans les manuels de confesseurs pour particulièrement débauchés, et Henri le Navigateur est l'emblème et le modèle des vertueux, ce qui prouve que les autres navigateurs ont beaucoup à apprendre. Au XVe siècle, les relateurs des grandes découvertes (Zurara, Ca 'da Mosto) révèlent des populations aux moeurs sexuelles singulières (Grande Canarie, Tenerife), ce qu'avait déjà remarqué Marco Polo des peuples idolâtres. Au XVIe siècle, les guerres de religion introduisent des oppositions fortes à l'intérieur du monde maritime. Les grands ports français de l'Atlantique sont en majorité huguenots et nombre d'expéditions (Brésil, Floride) sont leur fait. Au XVIIe siècle, la marine royale est reprise en mains par la monarchie catholique : aumôniers jésuites sur les navires et exclusion, à partir de 1685 et la révocation de l'Edit de Nantes, des officiers huguenots contraints d'abjurer ou d'émigrer. Ces transfuges renforcent les marines hollandaises et anglaises, affaiblissant d'autant la marine nationale. Efficacité réduite de ces actions de moralisation : les galères de Méditerranée, par exemple, sont des lieux de débauche dont parlent abondamment les chroniqueurs, malgré la catéchèse d'un saint Vincent de Paul, aumônier de celles-ci. La flibuste qui pille très dévotement à la Caraïbe n'est guère plus recommandable ; les chevaliers de Malte, d'Eglise par statut, mais surtout jeunes gens célibataires, ne sont pas, non plus, des modèles de vertu. L'homosexualité règne aussi dans ce milieu dont les femmes sont exclues par décision royale. La déchristianisation qui frappe les élites urbaines n'épargne pas les marins, au XVIIIe siècle. La Marine est le parent pauvre des armées royales : on fait carrière sur terre en présence du roi qui ne navigue jamais. Traditionnellement depuis le XVIe siècle jusqu'à la Révolution, l'amirauté de France sera confiée à un bâtard de la famille royale : ce détail montre le statut réservé à la Marine. Restant souvent associé à la mythologie par le nom donné à ses navires, pratiquant des superstitions auxquelles les saints sont associés, le monde de la mer n'en est pas moins clos sur lui-même, vigoureusement libre sinon libertin.

Référencé dans la conférence : Religion et sexualité dans la littérature des voyages (XVIe-XVIIIe siècles)
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