Le récit de pèlerinage aux limites de l'écriture viatique

Conférencier / conférencière

Depuis le modèle des Histoires d'Hérodote, le récit de voyage s'ouvre à tous les champs de l'altérité et s'exerce à décrire la religion des autres. Ce regard extérieur qui s'applique à la comparaison, voire à la compréhension des usages et croyances de la société d'origine ou encore à sa critique, ne tisse pas de relation fondamentale entre "voyage" et "religion". Le fait religieux entre dans la description encyclopédique du monde, au même titre que d'autres pratiques.
Pourtant, de grands mythes font du voyage un acte religieux ou initiatique. Les auteurs de la bibliothèque viatique se conforment à ces modèles pour transformer l'expérience du voyage en expérience fondamentale ; que l'on songe par exemple aux pèlerinages vers le purgatoire de saint Patrick en Irlande, ou, traversant les siècles, au Voyage en Orient de Nerval. Si le voyage peut prendre des allures de quête spirituelle, le pèlerinage se donne bien évidemment comme la forme de déplacement qui associe le plus intimement voyage et religion.
Il n'est pas question ici d'emprunter les sentiers de l'anthropologie, mais d'examiner les critères spécifiques permettent de définir la relation de pèlerinage, en comparaison avec d'autres récits de voyage : grammaire de l'itinéraire, modes de description du monde étranger, implication du sujet de l'écriture, formes privilégiées, quotient de recherche esthétique et d'originalité. Ritualisé à bien des égards, le texte pérégrin repose sur un paradoxe. Chateaubriand posait la question dans l'Itinéraire de Paris à Jérusalem : comment décrire ce qui a été tant de fois décrit ? Comment puiser à l'encrier de la nouveauté pour dire une expérience vécue par tous les pèlerins ; la même parfois à quelques siècles de distance ? Comment entrer dans une expérience d'écriture qui soit à proprement parler religieuse ? Tel est le défi du rédacteur de ces relations.
L'étude sera menée principalement à partir de textes du Moyen Âge (Burchard de Mont-Sion, Poggibonsi) et de la Contre-Réforme (J. du Blioul, H. Castela, J. Boucher, J. Kootwik) ; nous n'excluons pas quelques incursions hors de ces frontières temporelles, à des fins spéculatives.

Référencé dans la conférence : 14e Colloque international du CRLV : Récit de voyage et religion
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