L'écriture du récit de voyage : les références du narrateur au voyageur dans le "Devisement du Monde" de Marco Polo

Conférencier / conférencière

Philippe Ménard explore d’un point de vue linguistique et stylistique la version française du Devisement du monde, rédigé du vivant de Marco Polo par Rustichello de Pise autour de 1310. La subjectivité est absente et le trait dominant de la narration est un témoignage apparemment objectif. Le lecteur n’accède que très rarement aux sentiments des personnages.

Philippe Ménard analyse de manière précise le rapport entre le narrateur, l’auteur du livre, et le voyageur, son commanditaire. Dans le titre, seul Marco Polo, qui a payé pour ce travail, apparaît et l’auteur est chassé de l’œuvre. A l’intérieur du livre, c’est très différent. L’écrivain prend la parole en son nom personnel, utilisant le « je » et évoque Marco Polo en utilisant « il ». Le voyageur sert de garant, de caution mais il est relégué au second plan par l’écrivain qui devient l’intermédiaire obligé et officiel dont le moi s’insère de manière permanente dans le récit. Rustichello s’élève au rang de créateur au point de faire totalement disparaître Marco Polo de parties entières du récit.

Ainsi, selon Philippe Ménard, Marco Polo a donné une délégation de parole à Rustichello qui s’en est totalement emparé. Le texte ne se présente donc pas comme une autobiographie mais comme une description de lieux, comme la suite d’un itinéraire dont, souvent, le voyageur est absent, un « itinéraire impersonnel ». Le rédacteur s’interpose entre le voyageur et le public sauf pour le titre dans lequel Marco Polo redevient le maître et l’écrivain retombe dans les oubliettes. Au-delà du Livre de Marco Polo, cette conférence ouvre la réflexion sur la délégation de parole dans le texte viatique.

Référencé dans la conférence : Le Voyage dans tous ses états
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