De l'Archipel comme cataclysme et comme Chute

Conférencier / conférencière

Si tant est que notre monde se dessine à la manière d'une île à la surface des mers, il ne représente qu'un reste éparpillé par rapport au vaste continent des origines. Tel que nous le connaissons et le parcourons, le monde est le vestige éclaté de l'unité primordiale perdue. Cette terre en lambeaux, engloutie aux quatre cinquièmes et divisée en un nombre infini d'îles, n'a pas toujours été ainsi. Ce visage offusqué et mutilé résulte d'un cataclysme ancien. Des nombreux mythes qui le racontent, j'en retiendrai principalement deux, l'un emprunté à l'Histoire variée d'Élien au IIIe siècle de notre ère, l'autre à une interprétation serrée des premiers chapitres de la Genèse par un théologien géographe du XVIIe siècle, Jacques d'Auzoles, sieur de Lapeyre, l'auteur de La Saincte Géographie (1629). L'île serait en quelque sorte l'emblème géographique de notre infirmité. Image et lieu d'un exil, auquel l'associe une ancienne étymologie, l'île est le résultat et l'emblème tangible d'un arrachement. À notre être déchu correspond en toute exactitude cette forme géographique mutilée. L'île à la merci des flots, c'est l'image de la miseria hominis. Le libraire Gilles Corrozet le dit dans l'Hécatomgraphie, recueil d'emblèmes publié en 1540 : "voguant sur la mer incertaine" et menacée par "la vague prochaine", l'île sans racine ni gouvernail n'est-elle pas, pour l'homme de la Renaissance, le parfait symbole du "monde instable" ?

Référencé dans la conférence : IMAGO MUNDI (III)
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