Le voyage aux Indes orientales sur la route maritime des épices se présente dès le départ comme une entreprise lucrative qui n'envisage aucunement d'aller coloniser des terres déjà habitées par des civilisations avancées. Il s'agit d'un aller-retour de marchands qui espèrent seulement posséder des comptoirs sur les lieux mêmes du négoce pour pouvoir bénéficier de monopoles avantageux. D'ailleurs l'Orient est déjà présent en France à travers toute une série de produits entrés dans la consommation courante. Ces attraits concrets vont animer François 1er en 1537 et en 1543 à promouvoir les voyages au long cours prétendus avantageux financièrement. Henry III, de même, dans un édit du 15 septembre 1578, encourage les entreprises lointaines. Malheureusement, la France occupée par les guerres et ses dissensions ne saura profiter de ce moyen qui s'offre à elle de s'enrichir à moindre frais. Il faut donc attendre l'année 1600 pour que deux Compagnies françaises, l'une de Sumatra, Java et des Moluques, l'autre de Saint-Malo, Laval et Vitré, dite des mers orientales, soient fondées. L'enjeu pour ces premières Compagnies comme pour les suivantes est de propager la foi catholique, et d'agrandir la puissance de la France tant sur le plan politique que sur le plan économique. Les premières Compagnies sont des Compagnies de découverte, d'occupation et de commerce sous Henry IV et Marie de Médicis.
L'expédition française dont nous allons parler date de 1601 ; nous en avons gardé un double témoignage de la part de François Martin de Vitré, et de François Pyrard de Laval qui partirent ensemble pour rejoindre les Indes sur les navires le Croissant et le Corbin dans l'intention de briser le monopole exercé par les Portugais et les Espagnols. Si leur entreprise n'est pas la première, bien qu'ils pensent le contraire, les deux relations qui en retracent les péripéties sont fondatrices puisqu'elles seront publiées l'une dès 1604 et l'autre en 1611, et bénéficieront d'un vif succès sensible dans les références et citations que les voyageurs suivants en feront. L'écart entre les deux publications est loin d'être fortuit. En effet, sur les deux navires initialement partis, le Corbin et le Croissant, seul le Croissant, d'un plus fort tonnage, a pu poursuivre sa route pour se rendre sans encombre à Sumatra. Dès 1603, il rentrait en France avec à son bord François Martin de Vitré : une relation était publiée un an après [Description du premier voyage faict aux Indes orientales par les français en l'an 1603. Contenant les moeurs, loix, façons de vivre, religion et habits des Indiens : Une description et remarque des animaux, Epiceries, Drogues Aromatiques et fruicts qui se trouvent aux Indes : Un traicte du scorbut qui est une maladie estrange qui survient à ceux qui voyagent en ces contrées, Dedié au Roy, par François Martin de Vitré. A Paris, chez Laurent Sonnius, 1604. (Rés. O2k.23). Il existe une édition du même texte en 1609 : nous avons utilisé les deux éditions pour déterminer l'itinéraire suivi par Martin]. Le Corbin, quant à lui, devait connaître un autre sort : après un naufrage aux Maldives, le 2 juillet 1602, François Pyrard de Laval qui était à son bord ne rentrera à la Rochelle que le 5 février 1611. Cette même année une première version du périple aventureux est publiée, attirant l'attention de Jérôme Bignon, avocat général qui rencontra François Pyrard de Laval et le questionna longuement. Les notes prises lors de ces entretiens donne lieu en 1615 à une version remaniée de la première édition [Discours du voyage des Français aux Indes orientales, ensemble des divers accidents, adventures et dangers de l'autheur en plusieurs royaumes des Indes, Traité et description des animaux, arbres et fruits des Indes, plus un brief advertissement et advis pour ceux qui entreprennent le voyage des Indes, Paris, 1611 / Voyage des Français aux Indes orientales, Maldives, Moluques et au Brésil, depuis 1601 jusqu'en 1611, Paris, 1615, 2 vol., in-8°. Notons qu'une autre version a été donnée par Pierre Duval sous le titre, Voyage de François Pyrard de Laval, contenant sa navigation aux Indes orientales, divisé en trois parties, nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée, Paris, 1679, in-4°. Nous avons utilisé les éditions de 1611 et 1615 pour établir l'itinéraire de Pyrard, même si les citations en ce qui concerne l'itinéraire sont généralement empruntées à l'édition de 1615].
Dès le début de sa relation, Pyrard souligne le caractère fondateur de son entreprise et tente de justifier le retard de la France : « Et néantmoins à dire vray, la France négligeant ce trafic, se prive d'une richesse que la nature lui offre - l'ayant après tant d'autres biens, baignée de deux riches mers, accommodées de plusieurs bons ports et havres, par le moyen de quoy elle peut avoir communication, traicter et négocier avec plusieurs peuples lointains d'un costé et d'autre, comme si elle était proche et voisine du Levant et du Couchant et de toutes les contrées les plus esloignées. Joint qu'il faut avouer que c'est la plus noble et la plus excellente navigation, que celle de la mer, qui va parmy tant de hazards enlever les richesses et singularitez des autres terres, pour en enrichir son pays, et porter ce dont il affluë à ceux qui en ont besoin. [...] Les Français [...] sont maintenant contraints de prendre d'eux [les Portugais et les Espagnols] en destail, l'or, les épiceries et singularitez de l'Orient, au lieu qu'ils les eussent peu aller quérir eux-mesmes et les départir aux autres. Ainsi jusqu'à présent les Espagnols et Portugais essayent d'asservir à eux seuls, les éléments communs à tous, fermer la mer, et chasser par toutes sortes de mauvais traitements les Français et autres nations qui voudraient voyager et trafiquer sur les lieux. Cela meut principalement une Compagnie de marchands de S. Malo, Laval et Vitré, en l'an 1601 de fonder le guay, chercher le chemin des Indes, le montrer aux Français, bref puiser à la source. »
Le récit d'un voyage aventureux...
Dans cette perspective géopolitique qui place idéologiquement la France au centre du monde grâce à « ses deux mers », deux vaisseaux partent, le Croissant de 400 tonneaux dirigé par de la Bardelière, bourgeois de Saint-Malo où s'embarque François Martin, et le Corbin, de 200 tonneaux piloté par un Anglais, dirigé par François Grout connétable de Saint-Malo et sur lequel se trouve François Pyrard. Ils partent donc le 18 mai 1601 de Saint-Malo et rejoignent les îles Canaries le 3 juin. Au large des îles du cap Vert les 12 et 13 juin, ils longent la côte de Guinée le 14 juillet et passent la Ligne le 24 août après avoir enduré chaleurs, calmes, tourbillons et pluies. Le 29 août ils parviennent à l'Ile d'Anabon où ils sont victimes d'une embuscade de la part des Portugais qui tiennent l'île. Le 16 octobre ils se dirigent vers l'île de Sainte-Hélène où ils arrivent le 17 novembre. Nous constatons sur ce point que l'itinéraire suivi par nos Français diffère de ce qui sera pratiqué par la suite. En effet, l'escale à l'île de Sainte-Hélène ne se fait habituellement qu'au retour : à cause des courants et des vents les navires étaient obligés de partir vers le Brésil avant de se diriger vers le cap de Bonne-Espérance. Faute d'avoir suivi la bonne route, les escales sont beaucoup plus longues que de coutume et le voyage traîne en longueur.
Le 26 novembre ils quittent Sainte-Hélène pour atteindre le cap de Bonne-Espérance le 27 décembre après avoir célébré une fête qui ressemble fort au baptême habituel organisé lors du passage de l'Equateur ou Ligne comme on l'appelait à l'époque. Du 4 au 11 février 1602 une tourmente va les malmener : les dégâts, les malades et les navires séparés leur font décider de s'arrêter dans la baie de Saint-Augustin au sud-ouest de Madagascar où ils parviennent le 19 février 1602. Les fièvres, le scorbut déciment l'équipage - on compte 41 morts - et ce n'est que trois mois plus tard, le 5 mai, que la flotte décide de gagner les Comores, et se réfugie dans la rade de l'île de Moaly. L'escale bénéfique durera du 23 mai au 7 juin, après quoi les navires reprennent la navigation. Mais la Ligne à nouveau franchie le 21 juin, c'est la catastrophe qui vient modifier les rêves de fortune : le Corbin sur lequel se trouve Pyrard fait naufrage, le 2 juillet, non loin des îles Maldives. C'est à partir de là que le voyage se dédouble en deux itinéraires différents mais nous laissons de côté François Martin de Vitré pour nous intéresser au parcours aventureux de François Pyrard de Laval.
A ce moment clé du naufrage, au lieu de regretter les erreurs de pilotage, ou le mauvais état des cartes marines, Pyrard s'engage dans l'interprétation morale d'un accident de navigation. Le message éthique est clair : la justice divine vient condamner les excès de ceux qui n'ont su respecter les principes moraux. Dès le début d'ailleurs, Pyrard pressent dans le comportement des matelots un mauvais présage : « Pour moy je n'ay jamais eu bonne opinion de nostre voyage depuis l'embarquement, non pas pour cette rupture de mas fortuite, mais pour le mauvais ordre et le peu de police qui estait dans nostre navire : nulle piété et dévotion, mais au contraire force juremens et parjures, nulle obéissance aux chefs, toute rebellion, beaucoup d'indiscrétion, tous les jours des querelles et batteries, et semblables vices. »
Ainsi après le naufrage, la plupart des rescapés ne manifestent à aucun moment la solidarité qu'ils auraient du préserver, et continuent de voler, piller et de manger à outrance jusqu'à mourir d'indigestion ; quelques uns, proches de Pyrard, souffrent de la faim et devront patienter longtemps avant de pouvoir intégrer la communauté maldivoise : « Cette extrémité dura assez longuement, jusques à ce que les habitans recongnoissans que nous n'avions point d'argent, et ayant comme il est à croire quelque espèce de commisération, commencèrent à nous estre un peu moins farouches et barbares : d'autant qu'auparavant la plupart d'entr'eux, et toutes les femmes et petits enfans se cachaient de nous, et nous fuyaient comme des monstres. [...] Enfin ayant recongneu qu'ils devenaient de jours en jours moins estranges en nostre endroit, et beaucoup plus traictables, nous nous mismes à les accoster et nous offrir à faire tout le service à quoy on nous voudrait employer. »
C'est alors qu'ils acceptent en quelque sorte de se comporter comme des esclaves pour pouvoir survivre : « Nous faisons toutes choses les plus viles et mécaniques qu'on sçaurait dire, et les travaux les plus pénibles, bref pour dire en un mot cela mesme que leurs esclaves ne voulaient ou ne pouvaient faire [...]. Autrement nous fussions morts de faim. » Dans cette extrémité la personnalité de Pyrard accentuée par son instinct de survie va le conduire à apprendre la langue du pays, car il craint de ne plus jamais revenir en France.
Après des démarches très « diplomatiques », Pyrard est enfin reçu auprès des dirigeants et seigneurs qui apprécient ses efforts d'intégration et lui accordent plus de bienveillance. Il est même convié chez le « Roi » sur l'île de Malé mais doit abandonner ses compagnons pour qui il a obtenu au préalable qu'ils soient mieux traités. Le sens de la réserve mêlé du respect des coutumes locales empêchent Pyrard de manifester sa peine lors de cette séparation émouvante. Alors que Pyrard entretient le « Roi » sur les coutumes et mœurs de France, les autres naufragés tentent de s'évader : quatre seront exécutés et douze iront jusqu'à Ceylan où ils seront faits prisonniers et conduits à Goa. Il n'en reste plus que neuf, quatre à l'île de Malé (Pyrard, son meilleur ami et deux Flamands), et cinq éparpillés dans différentes îles. Notons que si Pyrard est particulièrement bien traité par ses hôtes, les autres membres de l'équipage le jalousent, le considèrent comme un traître et persistent à vouloir s'évader. Après une longue maladie de plus de 12 mois, qui éprouvera beaucoup notre aventurier puisque son meilleur ami en mourut, Pyrard accueille sa guérison inespérée comme une sorte d'initiation rituelle lui permettant de se considérer comme définitivement intégré à la communauté des Maldives : « et comme si cest maladie avait fait un corps nouveau, on s'y sent du tout accoustumé. Et de fait un estranger qu'ils appellent en leur langue Pouradives, s'il s'en guarit, ils disent qu'il est Dives, comme qui dirait naturalizé et non plus estranger ». Pendant deux ans, Pyrard est parfaitement bien adapté ayant essentiellement des activités marchandes grâce à ses qualités d'interprète : « Je devins quelqu'un de riche à la manière du pays, à laquelle je me conformais au plus près qu'il m'estais possible, et à leurs coutumes et façon de faire, afin d'estre mieux venu parmy eux. Je traffiquais avec les navires estrangers qui arrivaient là, [...] bref, il ne me manquait rien que l'exercice de la religion chrestienne, dont il me faschait fort d'estre privé, comme aussi de perdre l'espérance de jamais revenir en France. »
En février 1607, après cinq ans de séjour aux Maldives, le roi du Bengale voulant s'emparer du canon récupéré dans le Corbin, attaque le roi des Maldives qui le détient. Dans la débâcle générale, le roi des Maldives ayant été tué, Pyrard gagne le Bengale en passant par Malicut et l'île Divandurou. Au bout d'un mois de voyage il arrive à Chartican puis cherche à rejoindre Calicut où il espère pouvoir prendre un navire hollandais pour retourner en France. C'est au bout de huit mois d'attente vaine que deux pères Jésuites conseillent à Pyrard de se rendre à Cochin. Trahis, les Français seront emprisonnés pendant deux mois et ne quitteront Cochin que les fers aux pieds sur une galiotte commandée par le capitaine portugais Pedro de Poderoso qui les maltraite durant les vingt jours de la traversée dans d'horribles conditions.
Arrivé à Goa en juin 1608, Pyrard sera placé dans un hôpital lugubre puis à nouveau emprisonné. C'est grâce à un Jésuite français de Rouen appelé Etienne de la Croix qui était au collège de Saint-Paul à Goa que Pyrard sera libéré. Il vivra à Goa comme soldat au service des Portugais pendant deux ans et participera à de nombreuses expéditions vers Diu et Cambaie au nord et vers le cap Comorin et l'île de Ceylan au sud. Soupçonné d'être un espion, Pyrard et deux Français survivants seront à nouveau emprisonnés à cause d'un « Edict du Roy d'Espagne portant défense au Vice-Roy de permettre qu'aucuns Français, Hollandais ou Anglais fussent par entr'eux, avec commandement de les faire embarquer, si aucun y estait pour s'en aller, à peine de la vie, comme estans là seulement pour espier, et recongnoistre la terre des Indes. »
C'est grâce à des Jésuites que nos Français pourront rentrer en Europe sur une flotte portugaise de quatre vaisseaux dirigée par Don André de Furtado. Le départ a lieu le 3 février 1610, et après être passés au large de l'île Rodrigue dans les Mascareignes le 15 mars, ils parviennent au cap de Bonne-Espérance le 8 avril. Bloqués pendant deux mois à cause d'une tempête ils ne parviendront à l'île de Sainte-Hélène que le 25 juin. Une fois approvisionnés en eau et vivres frais ils arrivent le 10 août dans la Baie-de-Tous-les-Saints au Brésil. Le bilan est catastrophique puisque sur 800 personnes il n'en demeure plus que 550 en vie. Le séjour au Brésil durera deux mois pendant lesquels « chacun cherchait son aventure », étant donné que le navire sur lequel était venu Pyrard avait coulé. Ainsi le 7 octobre 1610, Pyrard s'embarque sur une hourque avec soixante passagers. Le 5 décembre ils passent la Ligne, le 25 ils sont dans la mer des Sargasses, le 5 janvier 1611 ils longent les Açores et arrivent le 20 janvier à Bayonne. De là, Pyrard emprunte une barque de 36 tonneaux et mettra trente six heures avant d'arriver à La Rochelle le 5 février 1611. Le 16 il est enfin à Laval.
Orientations de l'étude...
Il va de soi que le caractère tout à fait exceptionnel de l'aventure de Pyrard va permettre d'élaborer une conception héroïque du voyageur en Orient. L'expérience de Pyrard, victime de circonstances tragiques, a l'originalité d'être devenue individuelle. L'entreprise marchande s'est transformée en lutte pour la survie. Ainsi, le message que délivre Pyrard à ses successeurs est double : pour qu'un voyage réussisse, il faut nécessairement que d'une part l'équipage, les hommes comme le navire, soient en mesure de faire face aux périls de la navigation et que d'autre part les aventuriers acceptent l'idée de l'intégration, notamment par l'apprentissage de la langue. Pour cela il faudra améliorer les repérages géographiques et l'état des cartes dont on déplore bien souvent l'incertitude. Il conviendra également de modifier l'état d'esprit des voyageurs qui se rendent aux Indes orientales , lequel se réduit à une seule préoccupation : faire fortune ! Dans ce voyage d'aventures, la personnalité à la fois combative et diplomate de Pyrard nous est apparue de façon très nette. Nous avons donc présenté dans cette conférence, les questions liées à la mise en texte du voyage, la question de l'intégration linguistique et celle du métissage.
Renseignements en grande partie fournis par l'édition présentée par Geneviève Bouchon et Xavier de Castro en 1998 aux éditions Chandeigne dans la collection Magellane :
- L'édition qui paraît en 1615 à Paris chez Rémy Dallin est une édition largement remaniée de l'édition originale et très amplifiée. Ce remaniement est attribué au chanoine Pierre Bergeron, précepteur de la jeune dame de Blairancourt, qui invite Pyrard dans son château de Picardie pour la distraire : on obtient une narration 3 fois plus longue en 2 volumes. L'épisode sur Goa apparaît et l'ensemble acquiert une dimension encyclopédique. Ces remaniements sont non seulement fabriqués à partir des récits de Pyrard mais aussi à partir d'autres textes : Les modèles qui ont servi à Pierre Bergeron sont : van Linschoten (1596) traduit en Français à Amsterdam en 1610 ; Jean Mocquet publié à Paris en 1617 ; Pierre du Jarric, publié à Bordeaux en 1608 et 1614 et près de 2000 pages sur les « choses mémorables advenues tant aux Indes orientales que aux autres pais de la découverte des Portugais » à partir de lettres que les jésuites lui envoyaient de Lisbonne et de Rome. Ce remaniement entraîne un changement de titre : Le Discours des Français aux Indes orientales est devenu Le Voyage de François Pyrard de Laval contenant sa navigation aux Indes orientales...
- L'édition publiée en 1619 à Paris chez Samuel Thiboust et la veuve de Rémy Dallin est la plus riche ; 15% d'ajouts par rapport à 1615, en 2 vol. 528p . + 486p. Sur l'exemplaire de la BnF qui a appartenu à l'évêque Huet d'Avranches (1624-1721) se trouve la note manuscrite suivante : « Le véritable auteur de ce livre est Pierre Bergeron, qui ayant ouï parler des diverses aventures de Pyrard, lorsqu'il fut de retour à Paris, il le prit chez soi, et ses les fit raconter avec toute l'exactitude que l'on peut remarquer dans cet ouvrage. Comme Pyrard était toujours ivre, Bergeron pour discerner la vérité de ses paroles lui faisait dire plusieurs fois et à divers temps une même chose, et quand il la rapportait d'une même façon et sans varier, il la prenait pour véritable : sinon il la rejetait comme suspecte. Je tiens cela de monsieur Conrart » (qui était fondateur et secrétaire de la Société d'où sera issue l'Académie française. La note non signée est apparemment antérieure à 1675, date de la mort de Conrart).
- L'édition qui paraît en 1679 à Paris chez Louis Billaine, avec des observations géographiques du sieur Du Val, présente un texte souvent corrigé, amendé, poli, avec de nombreuses amputations. Le dictionnaire des Maldives y a été supprimé, pour laisser la place aux commentaires géographiques de Du Val. Louis Billaine souligne dans la note qu'il rédige à l'intention des lecteurs : « Il y a des aventures si extraordinaires qu'elles passeraient pour des incidents de roman, si l'on n'était pas persuadé de la sincérité de l'auteur, qui n'étant pas homme sçavant, avait pris la précaution de communiquer ses cayers et de prendre les avis des plus sçavants hommes de son temps, et entr'autres de feu monsieur Hierome Bignon, advocat général qui a esté un des premiers hommes de son siècle qui a eu la bonté de redresser nostre voyageur dans les choses qui surpassaient ses connaissances ».