Tout roman est un voyage. Mais il y a des textes qui le sont plus que d'autres. Trois ouvrages de Italo Calvino nous permettent de faire le point sur le voyage des oeuvres littéraires. Calvino a écrit un "hypertexte"/ palimpseste sur le voyage : « Les villes invisibles ». Les nouvelles/récits brefs (poèmes ?) qui composent le recueil (et qui font l'objet d'un chapitre de ma thèse) reprennent les voyages de Marco Polo : les images des villes visitées par M. Polo sont revues à travers les yeux du voyageur calvinien et racontées au Grand Khan. A la fin du recueil, le lecteur découvre que la ville racontée est peut-être toujours la même : Venise, vue de différents côtés. Cette fin est également un point de départ permettant de réfléchir sur le voyage en tant que découverte d'un monde externe (l'Orient) et intérieur (le souvenir de l'écrivain : Saremo ? ; celui du lecteur : sa ville natale ? les villes qu'il a aimées ?). Les récits de Marco Polo sont en quelque manière des traductions : le voyageur traduit en mots, en signes, les images qu'il a vues et il transmet son message "traduit" au Grand Khan. Est-il un traducteur fidèle ? Oui et non. Sa narration ne décrivant pas de vraies villes, il est fidèle à son imaginaire, à sa 'perception' de la réalité, mais il n'est pas fidèle à la réalité... Le vrai traducteur doit être fidèle à la réalité et non pas à ses perceptions. En même temps, le voyage n'est il pas également celui de la traduction qui passe d'une personne à l'autre ? Voyage externe, matériel, du récit qui passe (le traducteur passeur : Caron, batelier infernal) et voyage interne, dans la langue/culture/ imaginaire du récepteur. « Si par une nuit d'hiver un voyageur » est une sorte de métaphore du voyage que tout lecteur fait grâce à la lecture. Dans le cas de ce roman, la figure du traducteur est insérée dans la diégèse. Il s'agit d'un traducteur assez particulier qui, au lieu de faire "voyager" le livre de façon correcte, s'approprie l'écriture des autres. Ce livre permet d'étudier plusieurs 'voyages' : celui de l'œuvre écrite, celui de l'œuvre traduite, celui du lecteur à l'intérieur du texte de départ et celui du lecteur de l'œuvre traduite. « Les Tarots », première version du « Château des destins croisés », contiennent les aventures de différents voyageurs qui s'arrêtent dans un château et, ne pouvant pas parler (ils sont muets), racontent leurs aventures à travers les cartes des tarots. Là aussi, le thème du voyage est important : le voyage dans la forêt rend muets les voyageurs qui peuvent continuer leurs récits à travers l'iconographie des tarots... Peut-on alors parler de voyage iconographique ?
Référencé dans la conférence : IMAGO MUNDI (III)
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