Sur le chemin de Jérusalem : pèlerins du Grand Voyage et pirates (1480-1700)

Conférencier / conférencière

Dans l'ensemble des quarante récits étudiés, la survenue de pirates dans la partie est du Bassin méditerranéen est assez fréquemment racontée. Si les descriptions de l'événement sont souvent assez courtes, derrière cette furtivité il ressort d'évidence que la peur est née avant le départ et que la moindre crainte de la rencontre, justifiée ou non, réveille cette panique.
Comment analyser ces épisodes ? Simples reflets d'une situation vécue réellement ? Nous pensons qu'il faut dépasser l'explication qui consiste à s'accorder sur le fait qu'il s'agit d'un des topoi de cette littérature de voyage particulière et parfois si stéréotypée.
Malgré le caractère très pointilliste et donc bien partiel des renseignements, les récits de pèlerinage deviennent des sources informatives, car, en se faisant l'écho des destins de ces marins, négociants, diplomates, touristes fortunés et pèlerins, ils livrent une représentation de l'état géopolitique si chaotique dans cette zone d'expansion aux XVIe et XVIIe siècles de l'Empire ottoman (mer Adriatique et la Méditerranée orientale, en règle générale) où les motivations militaires s'entremêlent avec des habitudes de razzias des navires ennemis pour des raisons strictement crapuleuses. L'aventure maritime prend tout son sens quand ces rencontres avaient lieu : on est frappé de constater que celles qui se terminaient, pour les pèlerins, par une issue dramatique, restaient rarissimes.
Cette remarque introduit de ce fait un autre centre d'intérêt, que nous aimerions développer. Celui-ci relève de l'étude des mentalités de ces chrétiens face à un ennemi bien réel parfois, mais surtout décrit sous l'emprise de la peur-psychose qui étreignait les candidats au Grand Voyage. Il apparaît essentiel de s'interroger sur le rôle et la teneur de l'image du pirate.
Si cette dernière reste conforme au modèle créé et véhiculé par d'autres genres d'écrits et gardée par exemple par le théâtre, c'est-à-dire incarnant le Mal (nomade des mers, ennemi de la vraie foi, vil...), cela permet au chrétien militant d'exalter les valeurs qu'il veut défendre dans son écrit qui vise à édifier les consciences et aussi à le promouvoir socialement.
Mais quand le portrait se fait plus nouveau, plus conforme à la complexité de la réalité, quand il ne correspond plus tout à fait à ces canons hérités, alors, le pirate sort de son rôle habituel.
Entrant dans le champ métaphorique (si sollicité par ces ouvrages), il devient le support qui permet d'illustrer et de manifester d'autres aspirations pour ces auteurs, hommes cultivés qui vont vivre ce temps de dévotion mais aussi de découverte de l'altérité humaine, par eux-mêmes, loin de la France, dans un cadre spatio-temporel complexe où imaginaire et réalité se juxtaposent, où les interdits se font peut-être aussi moins prégnants.

Publications sur les voyages
Thèse en cours : Les villes du Grand Voyage : espace et représentations à partir des récits de pèlerinage à Jérusalem à l'époque moderne (XVIe-XVIIe siècles), au Centre d'Etude et d'Histoire de la Ville de l'Université de Tours.
"L'escale urbaine, les villes des pèlerins de Jérusalem (1480-1700)", in Paysages urbains de Méditerranée, actes du colloque du Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine, Université de Nice (décembre 1998). À paraître dans les cahiers du CMMC (mars et juin 2000).

Référencé dans la conférence : 13e Colloque International du CRLV : L'Aventure maritime
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