La sixième expédition à Vanikoro, île où se termina le tour du monde de La Pérouse s’est déroulée au printemps 2005 : il y avait 217 ans que le naufrage s’était effectué. La deuxième moitié du XVIIIe siècle est celle des grands voyages scientifiques dans le Pacifique ; lors de son second voyage, Cook prouve l’inexistence du continent austral, mais il cartographie une bonne partie du Pacifique Sud. L’avènement de Louis XVI en 1774, les succès de la marine française contre l’Angleterre au moment de la guerre d’indépendance américaine, l’intérêt personnel du roi pour les sciences vont faire de l’expédition de La Pérouse l’affaire personnelle du monarque. La Pérouse est un officier de marine qui s’est distingué en Amérique. Sa mission va consister à explorer le Pacifique Nord que Cook n’a pas cartographié et à envisager l’organisation d’un commerce de fourrure entre l’Alaska et la Chine. Des instructions revues en détail par le roi lui sont confiées. En 1785, on lui attribue deux navires, _l’Astrolabe_ et _la Boussole_ que l’on arme dans le port de Brest. Le voyage est prévu pour durer trois ans ; les navires adaptés à cette expédition sont extrêmement chargés : vivres, bétail sur pied, pacotilles pour échanger avec les naturels rencontrés, outils, mais aussi tout un matériel scientifique destiné aux savants (astronomes, botanistes, dessinateurs) qui accompagnent l’expédition et à qui l’on a prêté les instruments les plus modernes de l’Observatoire (quart de cercle). Il s’agit de la dernière et de la plus importante expédition scientifique organisée sous l’Ancien Régime. Mais contrairement aux instructions, les navires qui doublent le Cap Horn ne vont pas suivre le trajet prévu : après avoir traversé le Pacifique vers le Nord et l’Alaska, les navires font route vers la Chine, puis plein Sud vers l’Australie où La Pérouse débarque en mars 1788 à Botany Bay (l’actuel Sydney). Il a alors perdu une partie de ses équipages dans des rencontres avec les naturels et dans diverses fortunes de mer. En Alaska, il a laissé Barthélemy de Lesseps avec les premiers rapports sur l’expédition ; celui rejoindra la France à travers la Russie ; mais quand il y parviendra, la Révolution aura éclaté et il apprendra la disparition de La Pérouse qu’il croyait de retour en France depuis longtemps. Après Botany Bay, où La Pérouse fut en contact avec des marins anglais, on n’a plus aucune nouvelle certaine du trajet de ses navires. Il remonta vers les îles Tonga, mouilla en Nouvelle-Calédonie et se dirigea vers les îles Salomon ; c’est dans îles de Santa Cruz que ses navires firent naufrage au cours d’une tempête sur les récifs coralliens de l’île de Vanikoro. Une première expédition fut envoyée à leur recherche, celle de D’Entrecasteaux entre 1791 et 1793 ; elle fut en vue de Vanikoro en mai 1793, mais ne débarqua pas ; elle ne soupçonnait nullement que le drame s’y était déroulé. Ce fut Peter Dillon, un marin anglais un peu aventurier, qui prouva que le naufrage s’était déroulé dans cette île où il séjourna de septembre à octobre 1827 : il rapporta en France des objets qui témoignait du fait, et, en 1830, il en publia la relation sous le titre de _Voyage aux îles de la mer du Sud_. La découverte de Dillon connue par Dumont d’Urville l’amena à mouiller à Vanikoro avec sa propre _Astrolabe_ et à entreprendre des fouilles sur les récifs pour localiser les épaves (février-mars 1828). Il fit élever un monument en mémoire des disparus. La tradition orale des populations mélanésiennes locales rapporte des récits divers sur des naufragés ayant survécu : pour certains, les quelques survivants auraient été rapidement tués ; pour d’autres, ils auraient établi un camp des Français, construit un navire et disparu dans la mer. Ces récits sont évidemment invérifiables, bien que certaines fouilles aient confirmé l’existence d’une implantation française dans l’île. Il fallut plus d’un siècle pour que de véritables fouilles soient entreprises sur le site du naufrage; d’abord par des amateurs en quête d’objets négociables ; le plongeur Reece Discombe trouva des instruments scientifiques sans que l’on puisse affirmer de quel navire ils provenaient. En 1981, l’Association Salomon fondée spécialement pour fouiller Vanikoro commença ses campagnes en mer et à terre. En 2003, elle mit à jour le camp des Français dans une zone très dégradée par des activités industrielles du XXe siècle qui en avaient détruit l’essentiel. On sortit de la mer aussi les ossements presque complets d’un homme de 33 ans environ – sans doute un des savants de l’expédition : Duché de Vancy, le dessinateur ? Lepaute d’Agelet, l’astronome ? l’abbé Mongés ? Un ossement féminin fut aussi trouvé, sans doute celui d’une femme convict embarquée en Australie pour échapper à la relégation dans cette terre alors inhospitalière. En 2005, le _Jacques-Cartier_ de la Marine nationale entreprit la sixième expédition avec de nombreux plongeurs et des savants à bord embarqués en Nouvelle-Calédonie. Le navire resta trois semaines sur zone avec des moyens inconnus jusqu’à lors. Un ethnolinguiste travailla sur les trois langues de l’île, dont deux au moins sont en voie d’extinction : il recueillit, mieux que ses prédécesseurs dont Dumont d’Urville, des récits dans les langues originelles de l’île. La découverte du sextant de _la Boussole_ confirma l’hypothèse que le navire était celui qui avait sombré dans une faille du récif après une manœuvre désespérée qui l’avait amenée à taper par l’arrière sur l’écueil corallien. L’autre navire qui s’était échoué et qui avait été pillé par les naturels friands des métaux inconnus sur l’île était donc _l’Astrolabe_, le navire de La Pérouse. Si certains points de ce drame de la mer qui termina la plus grande expédition scientifique française sont maintenant éclaircis, le mystère n’est pas levé. Lire les relations de La Pérouse rapportées par Lesseps, et celles de D’Entrecasteaux, de Dillon et de Dumont d’Urville sur une enquête qui n’est pas terminée.
Référencé dans la conférence : Découverte du voyage, voyages de découverte
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