Quand Jules Michelet remonte à l’origine de sa vocation d’historien, c’est à Lenoir qu’il remonte et aux visites qu’il faisait, enfant, au musée de Lenoir (ce « dépôt des Petits-Augustins » devenu « Musée des Monuments français » à partir de 1795) : à l’origine donc, écrit-il, de la « vive impression de l’histoire » qu’il a reçue, le spectacle et la fréquentation d’un lieu où les « débris » des monuments sont harmonisés, les « blessures » suturées, où une sorte de corps se rassemble à partir des membres disjoints. Ce topos émouvant est exactement symétrique de ce que l’on a, par ailleurs, reproché à Lenoir : d’avoir détruit le sens et la forme des monuments, en les recollant ailleurs et autrement, en produisant une unité, un « accord » et une « interprétation » qui ne leur étaient pas intrinsèques.
Si la production maçonnique de Lenoir, objet de la présentation d’aujourd’hui, est particulièrement intéressante, c’est parce qu’elle reproduit, elle duplique et elle éclaire cette entreprise de collage universel, orientée toujours vers la constitution d’un musée, voire de plusieurs musées parallèles, au nom toujours d’une unité et par accord forcé du disparate, du décousu, du disjoint.
Bibliographie sélective :
Alexandre LENOIR, La Franche-Maçonnerie rendue à sa véritable origine ou l’antiquité de la Franche-Maçonnerie prouvée par l’explication des mystères anciens et modernes, Paris, Fournier, 1814. Texte réédité avec préface et documents par Claude RETAT (« Quand Alexandre Lenoir nous emmène en Égypte… La seconde vie du passé », p. 5-62), et avant-propos par Pierre MOLLIER, Paris, Gutenberg Reprint, 2007.
Jurgis BALTRUSAITIS, La Quête d’Isis, Essai sur la légende d’un mythe, Paris, Flammarion, 1985 (chapitres « Théogonies égyptiennes de la Révolution » et « L’Égypte de l’opéra et des francs-maçons »).
Louis COURAJOD, Alexandre Lenoir, son journal et le Musée des monuments français, 2 volumes, Paris, Champion, 1882.
Dominique POULOT, « Alexandre Lenoir et les musées des monuments français », dans Les Lieux de mémoire, Pierre Nora dir., Paris, Gallimard, 1997, t. I, p. 1515-1543.