Journées d’études organisées par le professeur Hendrik Ziegler (université de Marburg), chef de projet du programme ANR-DFG « Architrave » (Art et architecture à Paris et Versailles dans les récits de voyageurs allemands à l’époque baroque)
Organisateurs : Centre allemand d’histoire de l’art (DFK Paris) et Centre de recherche du château de Versailles
Enregistrement audio des communications et mise en ligne : Centre de Recherche sur la Littérature des Voyages
Programme ANR-DFG « Architrave »<http://chateauversailles-recherche.fr/francais/recherche/programmes-de-recherche/programmes-de-recherche-en-cours/programme-anr-dfg-architrave.html> [lien vers la page du programme].
Dates : 22 et 23 novembre 2018
Lieu : Centre allemand d’histoire de l’art (DFK Paris)
Dans le cadre de ces journées d’étude, nous nous intéresserons aux particularités linguistiques, littéraires et artistiques des récits de voyage du début de l’époque moderne en nous appuyant sur plusieurs études de cas. Les voyages entrepris individuellement ont produit aux XVIIe et XVIIIe siècles – tout comme au XVIe siècle déjà – les formes les plus diverses de notes et d’assemblages de matériaux textuels et iconographiques : journaux intimes, lettres, dessins, collections de gravures, etc. Ces diverses productions ont souvent été réalisées par le voyageur lui-même, parfois par un tiers, pendant le voyage – mais aussi, bien souvent, après le retour – pour compiler un récit de voyage qui pouvait être en partie illustré. Nous nous intéresserons tout particulièrement à la « matérialité » textuelle et iconographique du récit de voyage – la plupart du temps encore rédigé et illustré à la main, mais parfois livré sous forme imprimée.
Ces journées d’étude visent à établir un dialogue entre l’histoire de l’art et la littérature. Voici un ensemble de questions que l’on pourra aborder :
(1) Quelles étaient les modes et pratiques de transmission employés pour transformer un voyage individuel en « récit de voyage », notamment lorsqu’une importante quantité de matériel a été accumulée. On s’intéressera aussi à la question des points communs et divergences entre les récits de voyage dans leurs versions manuscrite et imprimée.
(2) Dans le choix des exemples à étudier, nous nous concentrerons sur les passages qui évoquent, décrivent, voire évaluent des œuvres d’art (qu’il s’agisse de pièces de monnaie, gravures, sculptures, monuments funéraires, architecture urbaine civile ou religieuse, tableaux, etc.). Ces passages pourront être examinés sous l’angle littéraire et linguistique, et notamment :
- l’intention du récit (divertissant, pédagogique, moralisateur, encyclopédique, descriptif) ;
- la forme narrative utilisée par l’auteur : première personne du singulier ou première personne du pluriel ;
- le rôle adopté par l’auteur (observateur extérieur et objectif, narrateur omniscient, humble serviteur de son maître) et l’influence de son origine sociale ou profession ;
- le choix des formes du récit (anecdote, épisode), du rythme (enchaînements juxtaposés, narration brève et dynamique ou délibérément fastidieuse) et des outils littéraires et rhétoriques (exagérations, superlatifs, allusions, ironie, affirmation ou mépris) ;
- l’utilisation de références manifestes ou dissimulées dans les textes et au sein des images employées (renvois à la littérature apodémique utilisée, aux auteurs antiques ou contemporains lus ou à des gravures utilisées comme modèles) ;
- l’emploi de mots étrangers ou d’emprunt, contrairement à une « germanisation » volontaire des mots étrangers (pour éviter une soi- disant « francisation » de la langue vernaculaire), de citations latines, de passages textuels en langue étrangère ou de termes spécialisés (issus par exemple du domaine de l’architecture).
Au final, il s’agit de définir le degré d’objectivation choisi par l’auteur, à savoir, à quel point il se distancie de son objet ou, au contraire, est à la recherche d’une proximité émotionnelle. Nous chercherons à voir comment le narrateur, à travers le langage narratif et les métaphores employées, se positionne par rapport aux phénomènes culturels et artistiques qu’il décrit (considère-t-il sa culture de référence comme égale, inférieure ou supérieure ?). Ceci nous conduit à la question de la perception de la culture de l’autre et de l’étranger (le degré de supériorité, d’infériorité ou d’égalité, voire d’indifférence, exprimé).
(3) Finalement se pose la question sur le plan méthodologique de savoir dans quelle mesure ces cas individuels de récits de voyage, qui ont été traités pour la plus grande part de façon ponctuelle par la recherche, peuvent être généralisés pour donner des modèles de représentation et d’évaluation linguistiques et iconographiques dépassant l’individu. En fin de compte, les éléments caractéristiques du genre du « récit de voyage » basé sur des expériences vécues entre le XVIe et le XVIIIe siècle ne peuvent être définis que par le biais d’une comparaison systématique avec d’autres corpus de textes (illustrés) – par exemple des études scientifiques ou des récits de voyage fictifs.
Une telle démarche s’avère bien entendu infaisable dans le cadre de nos journées. Toutefois, nous invitons les intervenants – dans la mesure où ils ont accès à des fonds substantiels – à réfléchir à la question de savoir à quel point leurs cas individuels pourraient être représentatifs. Un relevé quantitatif de certaines particularités textuelles et iconographiques par exemple pourrait permettre une meilleure compréhension des spécificités du genre.
(4) Outre la France, d’autres destinations de voyage (les Provinces-Unies des Pays-Bas, l’Italie, les Îles Britanniques, l’Espagne) pourront être évoquées comme exemples comparatifs. On se demandera alors dans quelle mesure les écrits ou représentations de la France diffèrent de ceux d’autres pays.
La recherche portant sur le voyage est devenue un vaste champ d’étude. Toutefois, elle ne s’est occupée que ponctuellement de questions relevant de la langue et de la littérature. La bibliographie ci-dessous, renvoyant aux travaux des intervenants aux journées, pourra donner quelques repères :