L’objet de cette journée d’études vise à mettre en évidence la façon dont la géographie, qui ne constitue pas un domaine de savoir autonome au Moyen Âge et n’est pas répertoriée parmi les sciences du quadrivium, tend à prendre de l'importance à la fin du Moyen Âge et à se constituer peu à peu en discipline. Ainsi, la géographie se détache peu à peu des sciences auxquelles elle était attachée jusque-là, qu’il s’agisse par exemple de l’histoire, de l’exégèse biblique ou du commentaire des textes antiques, ou encore des sciences naturelles. Cette évolution se traduit notamment par l’émergence de nouvelles figures intellectuelles que l’on peut qualifier de géographes et d’œuvres que l’on peut intituler à proprement parler « traités de géographie ». Un mouvement parallèle touche la cartographie, avec l’émergence d’ateliers ou d’individus spécialisés dans la production de ce type de documents.
Il faudra cependant encore du temps avant que la géographie fasse l’objet d’un enseignement propre en tant que discipline, ce qui n’interviendra pas avant le XVIIIe siècle et plus sûrement le XIXe siècle, avec des figures fondatrices telles qu’Elisée Reclus ou Alexander von Humboldt. En effet, cette lente émergence et autonomisation se poursuit au cours de l’époque moderne, sans que la géographie se détache totalement d'autres domaines, comme l’histoire ou les récits de voyages. De ce fait, il est intéressant de voir comment, à l’époque moderne, récits de voyage et géographie sont encore étroitement imbriqués : comment le récit de voyage peut servir d’alibi à la géographie et quelle(s) relation(s) les auteurs de ces récits entretiennent avec cette discipline.
Si le domaine italien est souvent mis en exergue quand il s’agit de déceler les origines de la géographie, particulièrement pour la période humaniste, l’espace français apparaît comme le parent pauvre des études et se voit régulièrement réduit à une fonction de relais dans ce mouvement. Loin de vouloir procéder à une comparaison systématique – et encore moins à une mise en concurrence – des deux espaces, il s’agira plutôt de mettre en évidence tant leurs éventuels particularismes que les nombreux liens et échanges transalpins qui ont nourri les géographes des deux versants.
Christine Gadrat-Ouerfelli.