Appel à contribution – Antiquaires voyageurs (XVIe-XIXe siècles)
Rome (Academia Belgica et École française de Rome), 26-28 juin 2024
« Je hais les voyages et les explorateurs. » Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques.
Les récits de voyage suscitent l’intérêt continu d’une large communauté scientifique. Les sources viatiques documentent l’histoire du regard et de la constitution du goût, ainsi que celle des savoirs, des sciences naturelles à l’archéologie, en passant par l’ethnologie et l’histoire des textes. Elles constituent par ailleurs pour l’archéologue, l’historien de l’art et l’historien des témoignages sur des œuvres et des textes perdus, ainsi que des documents précieux sur la constitution des collections.
Le colloque « Antiquaires voyageurs » entend focaliser le regard sur les liens entre les voyages d’antiquaires européens entre la Renaissance et le XIXe siècle, et la mise en forme de connaissances sur le passé antique et médiéval à travers ses vestiges matériels. Il s’agit ainsi d’interroger la pertinence d’une séparation qui est parfois établie entre « l’homme de cabinet » et « l’homme de terrain », et de réfléchir à l’insertion du voyage dans un horizon matériel, intellectuel, mais aussi imaginaire. Les relations entretenues par l’antiquaire avec le voyage sont diverses, qu’il prenne la route lui-même, qu’il fasse venir dans son cabinet des objets ayant voyagé, ou qu’il échange avec des correspondants lointains. La recherche et l’écriture constituent, en définitive, une forme de voyage mental dans le temps et dans l’espace.
Toutes les destinations retiendront l’attention, à l’exclusion des voyages à l’intérieur de la France qui s’inscrivent dans une perspective de naissance des institutions patrimoniales et des sociétés savantes. On interrogera à cet égard les notions de proximité et d’éloignement, voire l’articulation entre l’une et l’autre. En ce sens, les liens que les anti- quaires entretiennent avec des correspondants à l’étranger pourront être prises en compte. La valeur attachée aux antiquités locales et lointaines, les méthodes appliquées selon les cas, l’élaboration et les mutations de normes artistiques, les ressemblances et différences entre l’antiquaire et l’amateur d’art retiendront l’attention. Les voyageurs de- venus antiquaires, s’ils ne sont pas au cœur du propos, pourront être étudiés en miroir des antiquaires voyageurs.
La célébration en 2024 du tricentenaire de la parution du Supplément au livre de l’Antiquité expliquée et représentée en figures de Bernard de Montfaucon offre une invitation à réfléchir à la place des voyages dans la constitution des savoirs antiquaires. Montfaucon ne fut pas un grand voyageur, mais son séjour en Italie entre 1698 et 1701, motivé par la recherche de manuscrits pour l’édition des Pères grecs, eut un impact décisif sur ses publications ultérieures, et à coup sûr sur sa manière d’appréhender le passé.
Le terme d’« antiquaire » sera au cœur du propos. Comment les voyageurs érudits se dé- finissent-ils eux-mêmes ? Comment conçoivent-ils la complémentarité de l’enquête de terrain et du travail en cabinet ? Quelles « antiquités » recherchent-ils et regardent-ils ?
Les communications pourront proposer un éclairage sur un antiquaire en particulier. Si plusieurs figures ont fait l’objet d’approches monographiques, de nombreuses personnalités restent encore à étudier. Elles pourront également s’intéresser à un groupe d’érudits, par exemple aux études antiquaires développées par certains ordres religieux (mauristes, jésuites…), considérant ainsi les conditions du travail érudit liées pour part à une appartenance. Les communicants sont également incités à s’intéresser à la réception d’un objet ou monument en particulier, au « voyage » d’un objet entre collections et publications, dans la veine des « biographies d’objet ». Si les organisateurs attendent des communications portant sur les voyages en Europe ou en dehors, la question de l’exotisme ne sera pas prise en compte en tant que telle. Le champ chronologique est limité aux XVIe- XIXe siècles, mais les phénomènes de continuité et de rupture entre les époques antérieures et postérieures pourront être abordés afin d’interroger justement la notion de « modernité ». Les organisateurs invitent les participants à réfléchir à trois axes en particulier :
1- Les conditions du voyage antiquaire. Les motivations du voyage, officielles ou non, parmi lesquelles l’érudition n’a pas nécessairement la première place, induisent des desti- nations, des itinéraires. Les érudits préparent leur voyage, notamment par la lecture de textes anciens ou modernes, parfois accompagnés d’illustrations, qui contribuent à forger leur imaginaire. À travers ces lectures, comment les antiquaires voyageurs s’inscrivent-ils dans les pas de leurs prédécesseurs, de Pausanias jusqu’à leurs contemporains ? Com- ment leur savoir se nourrit-il des échanges avec des locaux, érudits ou non ? La docu- mentation permet-elle de mettre en lumière les nombreux intermédiaires oubliés (ambas- sadeurs, interprètes, ouvriers, marchands de bazar, vendeurs, dessinateurs, etc.) ou en- core le regard des autochtones sur ces antiquaires voyageurs ? Quels rapports entretien- nent-ils avec les différentes échelles de pouvoir ? Dans quelles mesures ces voyages anti- quaires sont-ils sources de légitimation et participent d’une forme de représentation, voire d’un soft power ?
2- Le rapport aux objets et aux monuments. Quelles caractéristiques des objets et monuments conditionnent l’intérêt de l’antiquaire ? L’ancienneté ? La beauté ? Le caractère intègre ou l’état de ruines ? L’objet mobile est-il recherché pour sa valeur marchande, pour être emporté, collectionné, exposé dans un cabinet ou un musée ? Objets et mo- numents sont-ils contextualisés plus largement dans un paysage ? Quels techniques et instruments sont mis en œuvre sur le terrain (estampage pour les inscriptions, levés to- pographiques, calcul des distances et des mesures, croquis…) ? Comment passe-t-on des notes de terrain à la publication ?
3- Réseaux et carrières. Contrairement à l’image de l’érudit enfermé dans sa « tour d’ivoire », l’antiquaire n’évolue pas seul et doit donc être compris dans ses réseaux, à dif- férentes échelles géographiques. Le terrain d’étude est le lieu de rencontres et de collabo- rations, mais aussi de rivalités et de concurrences. Il s’agira ainsi d’étudier le rôle des voyages dans les carrières et dans la constitution de réseaux. Comment l’antiquaire voya- geur est-il perçu dans son milieu ? Comment est-il représenté (que l’on songe aux por- traits, individuels ou de groupe, comme la Society of Dilettanti de Joshua Reynolds) ?
Soumission d’une communication
Les propositions de communication (25 minutes) donneront un aperçu de la contribution envisagée (200-300 mots), accompagnées d’un titre, d’une courte bibliographie et d’une brève présentation biographique. Elles sont à faire parvenir d’ici le 31 juillet 2023 à haude.morvan@u-bordeaux-montaigne.fr et veronique.krings@univ-tlse2.fr.
Le comité scientifique sera sensible à la nature du dossier documentaire qui sera étudié : il privilégiera les dossiers complets et diversifiés permettant d’appréhender au mieux la « matérialité » du savoir et la gestion des données par l’antiquaire. Un retour sur la proposition sera donné pour le 30 septembre 2023.
Langues du colloque : français, italien, anglais espagnol, allemand (un résumé substantiel sera demandé en avance pour favoriser la compréhension).
Comité scientifique et organisation
Marco Cavalieri, université de Louvain
Claudia D’Alberto, università degli Studi G. D’Annunzio Chieti-Pescara
Véronique Krings, université Toulouse – Jean Jaurès
Olivier Latteur, université de Louvain et université de Namur
Haude Morvan, université Bordeaux Montaigne
Renaud Robert, université Bordeaux Montaigne
Détails pratiques
Le congrès devrait commencer le mercredi après-midi 26 juin 2024 et se clôturer, pour sa partie scientifique, le vendredi 28 juin midi. Le vendredi après-midi et le samedi matin seront consacrés à des visites.
Les déjeuners du jeudi et du vendredi ainsi que le dîner de gala seront offerts. L’hébergement est assuré à concurrence de trois nuits. Chaque congressiste doit prendre en charge financièrement son déplacement. Une aide pourra être apportée aux doctorants et jeunes chercheurs qui ne seraient pas pris en charge par leur laboratoire pour l’un ou l’autre de ces postes de dépense.
Source RMBLF: https://rmblf.be/2023/05/10/appel-a-contribution-antiquaires-voyageurs-xvie-xixe-siecles/