Tous les numéros d'Astrolabe

Septembre / Octobre 2007

15|2018

Quand on cite le mot « pèlerinage », on pense immédiatement au pèlerinage en Terre Sainte ; on pense peut-être au pèlerinage sur le tombeau des apôtres, au chemin de Canterbury et à celui de Compostelle. La littérature (et non seulement celle de voyage) du Moyen Âge et du début de l’âge moderne nous fait penser surtout à un domaine religieux, mais les hommes de lettres et de sciences du XVe siècle, de l’âge des Lumières et du romantisme nous font réfléchir sur un pèlerinage littéraire, culturel, par exemple sur le tombeau des « grands hommes » : voyons les étapes des voyageurs dans le cimetière du Verano à Rome, dans l’église de Sainte Croix à Florence avec ses « Sepolcri », dont Ugo Foscolo est le chanteur. Il reste aujourd’hui le sens du pèlerinage comme hommage à certains lieux, soit de grande souffrance, comme Ground Zero, Auschwitz ou Dachau, soit devenus tristement célèbres au niveau de la chronique (et je pense aux soi-disant « pèlerins de la flamme d’or » sur le Pont de l’Alma) ; il faut remarquer, par contre, l’aspect de consommation qu’il y a dans d’autres lieux, desquels le « touriste » ne ramène pas un récit de voyage, mais une photographie, dans lesquels il ne laisse pas de signe d’hommage, mais une bise sur la pierre tombal d’Oscar Wilde.

Alessandra Grillo

Juillet / Août 2007

14|2018

Astrolabe, la revue en ligne du CRLV, peut désormais se lire les yeux fermés. Au sommaire, en effet, deux comptes rendus d’ouvrages sous forme d’enregistrements sonores réalisés lors du dernier festival Etonnants Voyageurs. Ces quelques paroles glanées au cours de lectures ou de discussions publiques s’ajoutent aux autres articles scientifiques publiés dans ce numéro pour former ce qui serait idéalement comme une chambre d’échos. Echos des paroles d’écrivains, d’éditeurs, mais aussi de chercheurs, bref de tous ceux qui ont en partage la passion des lettres, de leur écriture comme de leur lecture.
Ces paroles ne nous invitent-elles pas à retrouver ce plaisir très ancien dont l’Odyssée, le premier des récits de voyage, parlait déjà : le plaisir de la conversation et de la déclamation, ces lieux où s’éprouve naturellement la puissance du langage, où se confondent le conteur et le personnage, la réalité et la fiction. Soyons comme le roi Alcinoüs devant l’aède, réjouissons-nous d’écouter « un homme qui connaît bien la cithare et le chant », « la nuit est encore bien longue, et l'heure du sommeil n'est point arrivée. Continue donc à nous raconter tes histoires merveilleuses. J'attendrai même le retour de la divine Aurore » (Odyssée, Chant XI).

Jean-François Guennoc

Mai / Juin 2007

13|2018

Le voyageur, figure mythique du présent et du passé, réel ou imaginaire fait toujours parler de lui. Entourée de charme et de mystère il ne cesse d’être source de légendes. Ce numéro de la revue Astrolabe présente l’image de quatre protagonistes de l’histoire du voyage : Victor Hugo, Pierre Savorgnan de Brazza, Henry Morton Stanley et Corto Maltese. Du célèbre écrivain, du journaliste à l’aventurier ces figures se croisent entre réel, imaginaire, imaginé et imagé. Ces figures continuent à faire la une de la presse et de l’édition ; en témoignent la récente édition des voyages de Victor Hugo chez Hachette. Corto Maltese semble connaître un intérêt croissant allant de la presse aux médias. Le magazine Lire consacre ce mois-ci à Corto Maltese et à son créateur Hugo Pratt une série d’articles. Un des documentaires de l’émission Le dessous des cartes propose de reparcourir l’un des voyages de ce mystérieux personnage. Notre séminaire, sur les traces des voyageurs, le voit encore une fois protagoniste de l’une de nos séances. Les études sur les voyageurs et leurs voyages continuent à se multiplier, elles invitent de nouveaux voyageurs au voyage et ne cessent de nous passionner.

Tania Manca

Avril 2007

12|2018

Dans le concert électoral des proclamations, des revendications et des pétitions, la littérature est souvent réduite au seul droit de citation. Simple ornement du discours, caution culturelle du tribun, elle peine à faire entendre sa voix, à se faire élire (nostalgie de la lecture isoloir d’une retraite silencieuse).

Mars 2007

11|2018

Etablir clairement la part de subjectivité et d’objectivité dans les récits de voyage constitue l’un des éléments incontournables de l’activité du chercheur qui travaillent dans ce domaine. Ce sujet ancien a souvent impliqué aussi l’analyse des images contenues dans les récits de voyage, soient-elles des gravures, des photographies ou bien des cartes. Lors du séminaire du CRLV de l’année dernière, consacré au thème 'Journalisme et relation de voyage au tournant des XIXe et XXe siècles', ce thème a été longuement analysé. Si les gravures représentent un élément à l’apparence plus simple à étudier du point de vue de la fiction/réalité, les photographies semblaient poser problème. Cet art, à ses débuts, se voulait en effet objectif car il restituait les images de la réalité telle quelle. Toutefois l’élément du subjectif qui tient à l’auteur, au photographe et aux choix personnels enlève toute objectivité à ce ‘témoignage de la réalité’. En effet, déjà depuis ses débuts, se pratiquent les réélaborations des photographies (retouches, découpes, etc.) ainsi que les reconstructions artificielles des décors dans les cabinets des photographes. Qu’en est-il des cartes géographiques ? Ce type de représentation de l’espace mérite aussi d’être analysé par rapport aux paramètres de l’objectif et du subjectif. Quel est le choix de représentation du cartographe ? Quels éléments décide-t-il de cacher, de modifier ou de représenter ? Par rapport à quelles exigences choisit-il un type de représentation donné ? Quel est le sens de ces ‘vides’ ou de ces dessins qui remplissent les vides mêmes ? Notre avis est que les sujets représentés dans les gravures, dans les cartes ou bien dans les photographies, soient-ils des éléments véridiques ou de fictions ont leur utilité dans la reconstruction d’un parcours historique. Le 17 et 18 mars prochains, les chercheurs faisant partie du projet européen 'Europe’s Visual Memory' se proposent en effet de comprendre quels sont les pièges à éviter dans l’interprétation historique des images contenues dans les récits de voyage.

Tania Manca

Février 2007

10|2018

Coïncidences heureuses, effet d’entraînement ou réflexe pavlovien de lecteur ? Toujours est-il qu’en ce début de nouvelle année, les « invitations au voyage » se multiplient dans la presse. Ainsi dans le numéro 53 de la revue cité musique, qui consacre un dossier complet au voyage, où après un article sur le rôle de la musique dans les pèlerinages médiévaux, un texte sur les rythmes stambouliotes et un itinéraire musical sur les routes de l’esclavage entre Afrique et Orient, l’entretien accordé par l’écrivain turc Nedim Gürsel y fait explicitement allusion : « J’aime voyager, vagabonder. […] C’est la poésie de Baudelaire qui m’y a conduit ». La musique apaise les mœurs, c’est bien connu, la sagesse des nations ajoutera désormais dans la conjonction des arts que la littérature pousse au voyage. Mais le départ proposé a autant à voir avec l’imaginaire qu’avec l’espace, comme le suggère plus loin l’argument de son prochain livre : « un écrivain-voyageur fait part de ses impressions en rapport avec l’œuvre de l’écrivain qui a été marqué par les mêmes lieux – ainsi Baudelaire à Bruxelles qui habitait dans un hôtel… ». La littérature pousse au voyage mais pas comme une fuite, pour mieux se retrouver finalement dans la solitude d’une chambre…

Janvier 2007

9|2018

Le voyage est le lieu du franchissement des frontières, ouvre à de nouveaux horizons et participe au dépassement de soi. C’est dans ce dépassement que le voyageur se perd, se trouve, se renouvelle. Les paradigmes de la curiosité, de la connaissance et du dépassement du monde connu semblent être le propre du voyageur, de l’homme même, si l’on en réfère au plus grand voyageur de tous les temps Ulysse auquel Dante fait dire dans la Divina Commedia : « Fatti non fummo a viver come bruti,/ ma per seguir virtute e canoscenza » (« vous ne fûtes pas faits pour vivre comme des bêtes / mais pour suivre vertu et connaissance »), If XXVI 119-120. La rédaction d’Astrolabe, revue du Centre de Recherche sur la Littérature des Voyages souhaite à tous, lectrices et lecteurs, une bonne année 2007.

Tania Manca

Décembre 2006

8|2018

Dans son dernier livre, Mes voyages avec Hérodote, Ryszard Kapuscinski fait de l’historien d’Halicarnasse le premier des reporters et de ses histoires « un modèle de style, une école ». Au terme d’«histoires» il préfère d'ailleurs ceux d’«enquêtes» ou de «recherches» car, fondées principalement sur des témoignages, elles sont frappées du sceau de la subjectivité et de la relativité. Mais au-delà de la méthode, ce qui le séduit davantage, c’est la curiosité de cet «homme de grand chemin», «être compréhensif et bienveillant, serein et chaleureux, bon et sans manières», la recherche éthique, la passion de comprendre l’autre y compris dans la guerre, de chercher l’humain envers et contre tout système.
L’étoile du soldat, dernier film de Christophe de Ponfilly a le même sujet. Le réalisateur de nombreux documentaires sur l’Afghanistan, dont le plus connu est son portrait de Massoud, livre là une fiction cinématographique retraçant l’histoire de Nikolai Petrov, un jeune appelé russe envoyé combattre contre son gré dans ce lointain pays de pierres et de montagnes. Au-delà de l’horreur des combats ou de la beauté des paysages, ce qui frappe dans ce film c’est le commun appel entendu de part et d’autre à la musique, au chant, à la poésie.

Novembre 2006

7|2018

La figure du voyageur et la façon dont il rend compte de son voyage semblent être en évolution perpétuelle dans un mouvement étroitement lié aux moyens de transport à sa disposition. La ‘crise’ que le voyage et son écriture semblent avoir connu dans la première moitié du XXe siècle, n’est qu’une manifestation de cette évolution. Déjà dans la deuxième moitié du XIXe siècle des voyageurs comme Alberto Ferrero della Marmora, semblent douter de la légitimité du mot ‘voyage’ pour désigner des voyages dans des parties de l’Europe qui, grâce à l’évolution de la science sont désormais plus facilement joignables. Si les possibilités offertes par de nouveaux moyens de transports et notamment l’élément de la vitesse, alimentent le questionnement du voyageur à propos de ses propres expériences, il est aussi vrai que ces mêmes éléments deviennent les inspirateurs et les sujets de nouveaux récits de voyages, tels les récits de voyage en automobile. Les nouveaux moyens de transport ne modifient donc pas les enjeux principaux du vrai voyageur selon Hérodote, la rencontre, le questionnement, la volonté de comprendre.

Tania Manca

Octobre 2006

6|2018

« Nomade, traverses, seuils, mouvement, horizons, altérités, espaces, migrations, pérégrin, vagabondage, dérives, errance… » Le voyage, aujourd'hui, n'en finit plus de se dériver. Il a bonne presse ce mot-clef devenu un sésame dans « le langage des communicants ». Tout est voyage, sans que cela implique nécessairement un déplacement physique. L'emploi du terme s’étend jusqu’au registre commercial de la téléphonie. De l’échelle des continents, il est passé aux ondes corpusculaires et l’escale prestigieuse est désormais remplacée par la borne Wifi. Xavier de Maistre serait surpris du succès de sa formule.
Mais cette bonne fortune ne se fait-elle pas au risque d’une certaine dévaluation linguistique ? Ne sommes-nous pas en train d’assister à la catachrèse du mot voyage ? Car ce qui est célébré est la capacité de déplacement, la vitesse, la prouesse technique, en dehors de la difficulté, de la lenteur, du malentendu, de l’échec qui étaient autant d’étapes, de stations pour atteindre finalement à la connaissance.
Doit-on dès lors en appeler à une réaction sédentaire ? Revenons plutôt au propos critique de Gilles Deleuze pour qui le voyage est « de la rupture à bon marché » et qui ayant imaginé le concept du nomadisme précise aussitôt : « les nomades ne voyagent pas, ils sont immobiles, ils s’accrochent à leur terre, c’est à force de vouloir rester sur leur terre qu’ils nomadisent ». A méditer.

Septembre 2006

5|2018

Si le voyage représente la quête d’un lieu, la découverte de soi et de l’autre, l’acquisition et la perte des repères, il reste toujours et sans doute un apprentissage dans l’essence du mot. L’apprentissage du voyage n’est pas seulement celui du voyageur mais aussi celui de son lecteur et, peut être encore plus, celui du chercheur qui à partir de l’étude d’un récit de voyage découvre une myriade de mondes nouveaux. Cet apprentissage va de pair avec l’échange d’informations et le partage des connaissances et des nouvelles découvertes qui élisent comme l’un des lieux de prédilection les colloques internationaux. Des colloques ayant pour thème le voyage auront en effet lieu le 7, 8 et 9 septembre, le VIe Borders & Crossings à l’Université de Palerme et Theatre & Travel 2 / Théâtre & Voyage II, à la University of Ulster.

Tania Manca

Août 2006

4|2018

De tous les types de voyage, celui de découverte est sans aucun doute le plus noble. Il rassemble toutes les dimensions de l’aventure humaine : l’épreuve de l’inconnu, la rencontre de l’altérité radicale, la soif de connaissance, la quête spirituelle, l’élargissement de la conscience du monde, bref il a quelque chose d’une Renaissance, et il n’est d’ailleurs pas anodin que cette époque fut son âge d’or. Mais Tzvetan Todorov l’a remarqué : la découverte du « nouveau » monde signait en même temps sa conquête et sa fin.
Le domaine de la représentation cartographique semble aujourd’hui illustrer cette sentence. Le globe terrestre est désormais circonscrit, scruté en permanence par une escadrille de satellites, son image d’une précision de quelques mètres est disponible sans autre déplacement qu’un simple mouvement de doigt. Le blanc des cartes qui inspira la rêverie sur l’ailleurs et le lointain par son paradoxal pouvoir d'obscurité, et qui fit le destin de beaucoup d’explorateurs n’est simplement plus.
Tout est placé sous la lumière de midi, sans ombre portée. Nous revient alors à l’esprit l’histoire de Peter Schlemihl, qui vendit son ombre au diable contre la bourse de Fortunatus et qui ne trouva le repos qu’en parcourant le monde à l’aide des bottes de sept lieues. Nous revient aussi l’apologue final, le seul conseil dont l’homme ait besoin dans sa vie aux dires de Chamisso : « apprends d’abord à révérer l’ombre ».

S'abonner à Numéros d'Astrolabe