"Une « fantaisie vagabonde » en compagnie de Gustave Flaubert"

Conférencier / conférencière

Le corpus étudié sera constitué par les premiers chapitres d’un texte de jeunesse de Flaubert, non publié de son vivant, publié par la suite sous le titre Par les champs et par les grèves. Il s’agit du récit de voyage entrepris par Flaubert et Maxime du Camp en 1847, voyage dans les pays de Loire, les deux amis visitent Orléans, Blois, Tours, Amboise etc... puis la Vendée et la Bretagne ; Flaubert s’est chargé des chapitres impairs et du Camp des chapitres pairs. Ce texte présente un double intérêt historique et littéraire.

L'intérêt historique est résumé par cette phrase : « L’histoire est comme la mer, belle parce qu’elle efface ». L’importance accordée au ruines, à la destruction, à la mort est grande, mais surtout se lit dans cette phrase une conception de l’Histoire qui prévaudra dans L’Education sentimentale. En effet, si la mer efface tout, animée par le cycle des marées, cela signifie que le temps historique est un temps cyclique ; d’autre part, si l’Histoire efface tout, cela signifie qu’elle n’a pas de sens, ni direction, ni signification. Autrement dit, déjà dans ce texte de jeunesse se lit ce que Flaubert suggèrera dans L’Education sentimentale.
Dans  l’Histoire définie « comme la mer, belle parce qu’elle efface », on peut voir un fort élément d’intertextualité ; dans Les Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand écrit : « Les événements effacent les événements ; inscriptions gravées sur d’autres inscriptions, ils font des pages de l’histoire des palimpsestes[1] ». Mais à la différence de Flaubert, cela ne signifie pas que l’Histoire n’ait pas de sens pour Chateaubriand. Cette présence tutélaire de Chateaubriand (qui n’est cependant pas nommé) est importante, non seulement en raison de la conception de l’Histoire, mais également sur le plan stylistique, Flaubert adoptant volontiers la période ternaire à la Chateaubriand.

L'intérêt littéraire est lui-même double :

  • Le regard de Flaubert est imprégné de sa culture littéraire ; à Blois, souvenir de Hugo dont le père s’est retiré dans cette ville sous la Restauration, où Hugo a écrit ses premiers poèmes ;  souvenir de Marion Delorme, Hugo ayant situé les deux premiers actes de sa pièce dans cette ville ; souvenir de Balzac, de la vieille fille dévote du Curé de Tours, de la femme vertueuse du Lys dans la vallée. Et de même que le génie du lieu vivifiait l’imagination balzacienne, celle de Flaubert est également suscitée, notamment par la couleur du lieu qu’il tentera de restituer par la forme. On connaît l’importance de la couleur chez Flaubert, lui qui a voulu écrire un  roman « couleur cloporte » ; ce sera Madame Bovary.  
  • Second intérêt littéraire : dans ce texte, Flaubert, qui s’est mis au travail dès son retour de voyage, livre ses souvenirs récents, ses impressions. Il ne recherche nullement cette impersonnalité qu’il revendiquera plus tard, il ne se prive pas de rapporter ses émotions avec une très grande liberté, posant même un destinataire, procédant à des adresses au lecteur. « Flaubert en toute liberté... ».                                                                                                             

[1] Chateaubriand, Mémoires d’Outre-tombe, édition du Livre de poche classique, Livre 1, chapitre 4, p. 20

Référencé dans la conférence : Voyages et voyageurs au centre de la France.
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