Malte dans les récits des voyageurs français (deuxième moitié du XVIIIe siècle)

Conférencier / conférencière

Les voyageurs de langue française à la découverte de Malte dans la seconde moitié du XVIIIe siècle sont particulièrement nombreux. C’est l’époque où les voyageurs du Grand Tour découvrent l’Italie du Sud, la Sicile et les vestiges archéologiques de la Grande Grèce. L’abbé de Saint-Non, Houël, Roland de la Platière font partie de ces premiers voyageurs ; Brydone est connu en France par la traduction de son voyage. Malte est le territoire où règne depuis le XVIe siècle l’Ordre hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, parti de Terre sainte à Rhodes et de Rhodes à Malte en 1530. Cet ordre militaire et religieux lutte contre les menées barbaresques (la course) et contrôle la sécurité du commerce chrétien en Méditerranée. Ce que découvrent les voyageurs, c’est d’abord un port magnifique, des entrepôts garnis, une économie florissante, le joyau d’architecture qu’est la ville de La Vallette. Mais c’est aussi une agriculture de qualité où domine le coton. Sur ce rocher vit une population, Maltais et chevaliers séparés, qui fait de cette île un microcosme de cette Europe d’où viennent les membres de l’Ordre. Les voyageurs découvrent chez ces aristocrates – des cadets de famille confiés à l’Ordre dès leur adolescence – « la politesse la plus affectueuse », la douceur de vivre de ces célibataires. La beauté des églises, la présence d’œuvres d’art exceptionnelles à La Vallette (co-cathédrale Saint-Jean, palais du Grand Maître) font de Malte une brillante annexe de l’Italie, avec un je-ne-sais-quoi de cosmopolite (Vivant Denon). Si Brydone juge sévèrement les divertissements théâtraux que s’accordent les chevaliers, cet art de vivre ne déplait pas aux autres voyageurs. Selon les pratiques du Grand Tour, on visite les collections privées les plus éminentes ; elles sont rares à Malte, en dehors du cabinet de curiosités naturelles du sieur Barbaro. Pour ce qui est de Maltais, les voyageurs remarquent une licence des mœurs liée à la présence de jeunes chevaliers célibataires, qui n’en sont pas moins sensibles aux charmes des femmes du lieu. Si l’influence italienne se note dans l’administration de l’Ordre, les modes sont toutes françaises. Le premier guide de l’île est publié en 1791 par le chevalier de Saint-Priest. Le chevalier de la Tremblay, un adepte des Lumières, voit dans l’organisation de l’Ordre un modèle politique, ce qui n’est pas le sentiment de nombreux voyageurs qui voient dans ce système une survivance archaïque. Les chevaliers voyagent aussi : outre les deux années qu’ils doivent consacrer aux « caravanes » (formation militaire sur les galères de l’Ordre), ils passent une partie de leur vie en expéditions maritimes à la poursuite des navires barbaresques : la bibliothèque de Malte possède de nombreux récits de ce type (chevalier de Villages, etc.).

Citations

1- Un rocher, de vingt lieues de circonférence […], deux grandes cités la décorent : elle est couverte de jolis villages, de belles maisons de campagne et d’une population étonnante, signe […] du bonheur des hommes […]. Malte […] produit des légumes excellents ; des arbres fruitiers de toute espèce, des oranges dont on fait un commerce considérable, du raisin, de l’orge, et le coton le plus estimé de la terre.

2- Comme Malte est un abrégé de l’Europe et un assemblage des cadets de familles des meilleures maisons, c’est sûrement une excellente académie de politesse […] la communication et la familiarité adoucissent et dissipent peu à peu les ridicules et les préjugés de chaque nation. Il est curieux de remarquer l’effet que produit ce mélange sur des hommes de différentes contrées.

3- La vie particulière des chevaliers résidant à Malte est très douce, les devoirs de leurs fonctions, les beaux-arts, la société partagent leurs moments, et comme ils ont tous le même but, et que ce n’est que l’estime publique et l’amitié qui peuvent remplir leurs vues, on voit ici ce qu’il est presque impossible de voir autre part, les âges opposés, les nations émules, les caractères différents réunis et liés par les nœuds de l’urbanité et de la politesse la plus affectueuse. Le ton établi entre les chevaliers, quoique familier, est des plus honnêtes […].

4- La quarantaine se fait à Malte très commodément, dans de grands espaces couverts et découverts ; on cause, on communique, on traite sans le moindre risque. J’ai vu parfumer les lettres et papiers dans une caisse, avec une composition de drogues aromatiques, qu’on y brûle. On donne aux lettres et aux papiers fermés, des coups de ciseaux, afin que la fumée pénètre partout.

5- L’église de S. Jean est magnifique ; le pavé en particulier passe pour le plus riche du monde ; il est entièrement composé de monuments sépulcraux, de marbres précieux, de porphyre, de lapis lazuli, et de beaucoup d’autres pierres de prix ; elles sont toutes jointes ensemble d’une manière admirable, et le travail seul a coûté des sommes immenses. Elles représentent, dans une espèce de mosaïque, les armoiries et les trophées des personnes dont elles sont destinées à rappeler le souvenir.

6- C’est dans cette église, d’une architecture très médiocre, que le chevalier Matthias, Calabrais, a peint dans la voûte l’histoire de Saint-Jean. C’est là qu’il faut voir ce peintre pour le connaître et lui accorder l’admiration qu’il mérite. Grand dans la composition, large dans l’exécution, sa manière est franche comme celle de Paul Véronèse, dont il tient beaucoup pour la couleur et le pinceau. Il serait à désirer qu’il eût réussi de même à imiter ce peintre dans la noblesse et l’élégance de ses figures, qui sont cependant quelquefois un peu trop fortes. Au reste on peut moins lui reprocher cela ici qu’ailleurs ; car rien n’est plus fier et plus largement fait que les grandes figures de martyrs et de chevaliers qu’ils a représentés à la retombée de la voûte. Il serait à désirer que cette suite fût gravée avant que le temps ou le besoin de rétablir l’église eussent détruit ces morceaux, et aussi pour la gloire de ce peintre, qui n’a pas toujours été heureux dans l’exécution des tableaux de chevalet.

7- L’hôpital de Malte consiste en plus de cinq cents lits. Il y a des chambres séparées pour les maladies différentes ; dans la grande salle il y a vingt-quatre lits réservés pour les chevaliers. Cet hôpital, qui fut, je crois, le premier de l’Europe, est ouvert à tout étranger, il y a des chambres séparées pour les nations qui ne sont pas catholiques. Les principaux officiers sont tous chevaliers – prêtres conventuels, servants d’armes.
L’Hospitalier, chef de la langue de France, en est le directeur. Il y a dix prêtres pour desservir ledit hôpital et assister les malades. Ces malades sont servis en vaisselle d’argent, assiettes, écuelles et couverts.
Il y a un grand nombre de médecins, chirurgiens et élèves attachés à cet hôpital.
Il existe aussi un hôpital pour les femmes, qui n’a pas de rapport avec celui des hommes. Il est sous l’inspection du Grand Maître, qui nomme les chevaliers qui en ont le commandement. Cet hôpital peut contenir deux à trois cents lits.

8- Les chevaliers jouent la comédie sur un grand théâtre, dans une assez jolie salle, garnie de quatre rangs de loges : ils rendent cet amusement commun à la bonne compagnie, au moyen des billets qu’ils distribuent.
Ils donnent des pièces françaises et italiennes : celles-ci réussissent mal, parce qu’il y a peu de bons acteurs pour les biens rendre. Ils font les rôles de femme ; mais le menton noir et la voix rauque les décèlent, et leur donnent, comme aux acteurs du même genre en Italie, un air de caricature.
L’orchestre seul est gagé ; le parterre est garni d’hommes tous assis. Le concours est très grand, et presque tout le devant des loges garni de femmes. C’est un des spectacles où j’aie vu observer le plus grand silence quand on joue, surtout lorsque le Grand Maître y assiste.

9- Nulle part en Europe, les figures ne sont généralement plus belles, aussi bien caractérisées, aussi agréables qu’à Malte : tous les traits sont ordinairement beaux, et c’est peut-être ici le plus bel ensemble que comporte la nature humaine […]. Les femmes de la ville sont blanches comme l’albâtre : avec une taille et un air ingambes, elles sont vraiment moulées par l’amour. Enfin les mœurs y sont très douces, les figures belles, les personnes aimables.

10- Sous un ciel brûlant, elles ont la blancheur des habitants du nord, avec l'expression passionnée des orientales; leur beauté n'est ni grecque ni majestueuse, mais n'en a pas moins de séduction. Avec de beaux teints bien soignés, elles ont presque toutes de grands yeux, dans lesquels la passion se cache sous de longues paupières qui leur donnent une langueur touchante ressemblant presque à la modestie. On dit celles de la campagne très fidèles à leurs maris; mais celles de la ville ne savent pas plus résister à l'or des baillis qu'aux soupirs des caravanistes ; aussi règne-t-il à Malte une licence vraiment célibataire, beaucoup plus de coquetterie que de magnificence dans leurs costumes. Leur luxe est l'élégance et la propreté.

11- C’était le départ d’une escadre maltaise qui va se joindre aux Français contre le roi de Tunis qui paraît avoir encouru la disgrâce du roi Très Chrétien, parce qu’il ne veut pas délivrer sans rançon les esclaves de Corse, qui ont été pris avant que Sa Majesté fût maîtresse de cette île […]. Il y avait dans chaque galère environ trente chevaliers, faisant pendant tout le chemin des signes à leurs maîtresses qui pleuraient leur départ sur les bastions. Vous savez bien que ces prétendus célibataires ne s’embarrassent guère de leurs vœux de chasteté.

12- En tout, Malte, ou, pour mieux dire, La Valette, est plus française que toute autre chose [...]. Il y a actuellement une forte conspiration, parmi les femmes, en faveur de l’habillement français, contre l’habillement maltais [...]. Toutes les bonnes maisons ont un cuisinier français, ou dressé par les Français [...]. Tout ce qui est bon, est à la française. Les chevaliers ont introduit ce goût et les moyens de le satisfaire [...]. Quatre Maltais, chefs de maison, et pères de famille, dont sont MM. Isouard et Poussielgue, ont fait leurs études en France [...]. On aime, on accueille ici les Français , on est curieux de leurs usages, de leurs modes. Les femmes ne se lassent pas d’en parler, de questionner, de marquer leur désir de voir la France .

13- J’avais déjà parcouru ce pays en allant à Malte en 1770. Revenu en France, je lus avidement ce Voyage de la Sicile et de la Grande Grèce, et celui de M. Brydone, je m’aperçus qu’ils ne parlaient ni l’un ni l’autre d’un grand nombre d’objets qui m’avaient frappés. Cette omission me chagrinait ; elle augmentait en moi le vif regret de n’avoir pu donner à l’observation de ce pays le temps nécessaire. Mon imagination s’allume ; et je prends une forte résolution, celle de dévouer plusieurs années de ma vie à cette étude, où j’entrevois de grandes richesses à manifester aux savants, aux artistes, à tous les amateurs des merveilles de la nature ou des arts. Je me sentais né pour faire un voyage avec quelque succès, et d’une manière un peu nouvelle. Une santé robuste me permettait les longues fatigues, une grande activité qui s’irrite par les obstacles, et la passion de faire des découvertes devaient me rendre les travaux que je m’imposais plus faciles et plus agréables. Je parlais aussi le langage du pays ; d’ailleurs j’étais peintre et architecte, et je pouvais avec les connaissances de ces arts, non seulement m’intéresser plus qu’un autre aux objets que j’allais visiter, mais encore les reproduire. Mon voyage pouvait être tout à la fois un récit et une description ; voilà ce que je considérai, ce que je me proposai, et ce que je commençai bientôt à exécuter.
C’est le récit de ce second voyage que je présente aujourd’hui au public. (voir feuille)

14- J’ai mis des figures dans cette même planche où j’ai gravé le plan de ces durs édifices. L’une a pour objet de faire voir la coiffure de quelques habitants de ces îles, où j’ai cru apercevoir l’origine du ruban africain, ce sont des bonnets de laine tout simples ; quelques hommes, surtout ceux qui sont âgés, lient ces bonnets avec une petite écharpe autour de la tête, pour y ajouter un ornement, ce qui leur donne une légère apparence du ruban, et ce qui fait la transition de notre coiffure à celle des Africains, comme cette île fait passage d’un continent à l’autre.
L’autre figure n’est pas moins singulière; je l’ai fait à l’instant des femmes que j’ai vues ainsi coiffées à la campagne, à cause de la poussière qu’on y respire, et dont il s’agit de se défendre. Elles s’en garantissent en se couvrant la bouche avec le même mouchoir dont elles se coiffent, et qu’elles nouent par derrière le col. Cet usage se pratique aussi en Turquie.
Je profiterai de cette figure pour faire connaître de quelle manière sont corsées certaines femmes de cette île que j’ai vues ; elles ont des corsets qui ne montent que jusqu’au dessous de la gorge, et qu’elles serrent de manière que la gorge en sort en totalité ; mais elles la recouvrent par un ample et simple tour de gorge, bien transparent, qui ne la cache pas entièrement. Il s’attache de chaque côté en faisant deux ou trois petits plis, l’effet n’est pas désagréable. Les coquettes, sans blesser la pudeur, y trouvent un grand profit pour leur amour-propre ; j’ai vu des jeunes Grecques habillés avec ce corset, et une simple gaze pour tour de gorge ; ce qui avait infiniment de grâce : elles étaient ainsi dans la maison. J’observerai, à propos de cet ajustement, qu’en général la population de cette île est fort belle. Je visitai quelquefois la fontaine publique de l’Annonciata près du Rabats, et quelques autres qui sont dans le voisinage. On y a construit de forts beaux lavoirs. Toutes les femmes et les filles des environs y viennent, ou pour laver leur linge, ou pour puiser de l’eau. J’ai remarqué une très grande quantité de filles et femmes fort jolies, qui m’ont confirmé dans l’idée, que j’avais déjà conçue, de la beauté des habitants de cette île. Ce qui m’avait donné cette idée, c’est le spectacle dont je jouissais tous les soirs en revenant de faire mes tournées d’antiquaire ou de naturaliste, monté sur ma Jeannette. En traversant les champs, en dirigeant mes pas vers le logis, je rencontrais des compagnies de paysans et de paysannes, qui portaient sur leurs têtes des sacs de coton qu’elles venaient de recueillir. Toutes ces troupes paraissaient bien partantes, bien saines et semblaient gaies et satisfaites de leur journée. Les femmes surtout avaient l’air de jouir du triomphe qu’elles avaient remporté par leur travail sur l’ingratitude du sol. Leur démarche annonçait la joie, et elles ne prenaient aucun soin pour emprisonner et pour dérober scrupuleusement aux yeux les charmes un peu saillants que la nature a donnés à leur sexe. Là, comme ailleurs, les plus belles étaient les moins scrupuleuses. Leur bras était élevé en l’air pour tenir en équilibre le fardeau qu’elles portaient ; cette attitude développait leur taille naturellement élégante, et augmentait les grâces dont les a douées la nature. Elles étaient suivies la plupart de quelques troupeaux de moutons ou de chèvres mais ces troupeaux étaient peu considérables .

15- À 11 heures je fis commencer le combat. A une heure et demie je le démâtai de son grand mât et de celui du perroquet de fougue. Son mât de misaine était chancelant pour tomber et celui d’artimon. Pour lors, ayant reçu plusieurs mauvais coups de canon dans ma mâture et quantité de principales manœuvres coupées, je vis qu’il était prudent de se raccommoder, crainte que quelque mât ne tombât […]. La première décharge de cette seconde reprise n’étant pas toute tirée, le mât de misaine tomba à la mer et je ne trouvai plus qu’un homme qui se faisait battre […] avec un entêtement téméraire de ne vouloir pas se rendre. Malgré lui avoir crié moi-même de le faire, sinon que je le ferais couler à fond, il me répondit qu’un contre amiral du grand Seigneur ne se rendait qu’à la dernière extrémité. Pour lors, j’envoyai ordre à M.rs les officiers qui commandaient les batteries de faire tirer à le couler à fond, à quoi on ne put réussir, étant un puissant vaisseau […]. Sa témérité continua jusques au lendemain matin. Ayant résisté à la dernière bordée que je lui fis donner, après le soleil couché, qui lui coupa à tronc son timon, à 4 pieds de l’eau, et son arcasse fut brisée ; d’où il commença à faire de l’eau. Alors je fis cesser le combat, et profitai du peu de crépuscule qu’il restait, pour faire raccommoder ce qu’il m’avait rompu de nouveau, me réservant le peu de feu qu’il faisait depuis son démâtement. Le calme ne nous permit pas de nous approcher de la Sultane de bon matin. A 10 heures trois quarts, elle fit pavillon blanc l’assurant d’un coup de canon, signal qu’elle se rendait.

16- Le 26 [novembre 1725], le vent du sud-est frais les obligea de mouiller à la Favillane [Favignana]. La nuit du 27 fut si affreuse en éclairs, tonnerre et pluie qu’elle semblait être un déluge. Le 29 après-midi, il parut sur la mer un débordement de buissons, paille, chaume, qui couvraient sans exagération, la mer venant de la plaine depuis Marsala jusques à Trapagny [Trapani], le tout mêlé de quantité de bœufs, moutons, chevaux noyés. Il y avait des tortues de terre en vie, toutes sortes d’oiseaux morts jusques à des bécasses et cailles, et quelques hommes noyés. Toutes ces misères ensemble, que les courants charriaient vers les vaisseaux, empêchaient qu’on ne vît l’eau de la mer autant que la vue pouvait s’étendre. Le tout était rempli d’une si grande quantité de serpents de différente grosseur, en vie, levant la tête et s’élançant comme des enragés à faire peur aux hommes les plus assurés [que s’]étant approchés des vaisseaux avec toutes ces misères flottantes, ils firent leur possible de se lancer dessus le bord, ce qui obligea de faire garnir le long de la présente du flottant du vaisseau des matelots avec un bâton de bois à brûler à la main pour les empêcher de monter. Les officiers et caravanistes consumèrent toute leur poudre et plomb à tirer dessus, mais plus ils en tuaient, plus il semblait qu’il en paraissait davantage. A l’entrée de la nuit, on fut obligé de bien fermer tous les sabords et de mettre des gardes toute la nuit aux écubiers avec des fanaux et des bâtons à la main pour les empêcher d’entrer dans le vaisseau, le long des câbles. Le 29 au matin, l’eau s’était découverte autour des vaisseaux ; toutes ces vilenies et pitoyable spectacle ayant échoué à la Favillana, conduits par les courants. Malgré la bonne garde jour et nuit, il resta quelques serpents entre l’étenbot et le timon, qui avaient eu la force de s’y lancer, qu’on tua avec des épées. Ce cas est si singulier qu’on croit qu’il n’a pas d’exemple, ayant tenu deux vaisseaux de guerre alarmés la moitié d’un jour et toute une nuit. Il ne resta plus que la peur aux équipages qu’il ne fût entré quelque serpent dans les vaisseaux, malgré la bonne garde qu’ils firent avec autant d’attention qu’ils l’observent contre les Turcs. La prise ne fut pas exempte de cette alarme, ni trois vaisseaux marchands français qui furent forcés aussi de faire comme les vaisseaux de Malte, en se défendant pas si bien de cet abordage contre ces bêtes venimeuses, faute de monde. Dans la nuit du 29 il y eut de si furieux éclairs, foudres, tonnerres sans pluie qu’il tomba sur le vaisseau Saint-Jean qui lui éclate de haut en bas son petit mât d’hune et toucha son mât de misaine et jeta sur le côté comme morts vingt hommes de l’équipage qu’[il] fallut porter dans l’entrepôt à l’hôpital et soigner pour les faire revenir de leur évanouissement .

17- Il y a vingt-quatre jours que nous sommes sans glace, sans fruits, sans herbes, sans légumes ; nous avons même été quelques jours avec peu d’eau, et assez mauvaise. Si nous n’avons rien fait, au moins, ne dira-t-on pas que nos galères couchent tous les jours à terre. Nous avons donné chasse à deux ou trois petits bâtiments turcs qui se sont jetés à la côte, moyennant quoi nous n’avons rien pris […]. Nous sommes vingt-cinq sur ma galère, et, avec toutes les autres incommodités, notre revediteur est gravement malade. Il occupe lui seul la chambre d’en bas, et nous couchons tous dans le plan de poupe. Souvenez-vous que nous sommes à la côte d’Afrique et dans la canicule .

Référencé dans la conférence : Découverte du voyage, voyages de découverte
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