« Les représentations autour des Sénégalais à Madagascar »

Conférencier / conférencière

L'armée coloniale française qui a conquis la capitale du Royaume de Madagascar en 1895, et qui a dans les années suivantes établi son contrôle sur les provinces insoumises (la « pacification »), et lutté contre l'insurrection qui suivit de près la conquête, était composée d'éléments recrutés les uns en métropole, les autres dans les colonies françaises. Parmi les troupes coloniales envoyées ainsi à Madagascar, les originaires de l'Afrique Occidentale Française, généralement connus sous le nom de « tirailleurs sénégalais » — bien que la plupart n'aient pas été originaires de la colonie du Sénégal elle-même mais d'autres territoires — ont tenu une place importante. Utilisés d'abord comme conducteurs et combattants, ils ont par la suite été employés à des fonctions de répression, agents de police, surveillants de prisons, agents d’escorte, et même comme tortionnaires quand le pouvoir décidait de faire maltraiter ses prisonniers, etc. Leur présence a laissé des souvenirs encore vivaces à Madagascar comme en témoigne un dicton, toujours répété dès qu'on évoque la figure du Sénégalais : Soanagaly (ou Sônagaly) nahazo baiko (« le Sénégalais qui a reçu des ordres »). On utilise cette expression pour se moquer d’un exécutant qui ne fait preuve d’aucun discernement. On peut dire que le Soanagaly (le Sénégalais, mais il faut entendre par là l'Africain noir en général) est, aujourd'hui encore, une figure légendaire, perçue comme un être sauvage, brutal, méchant. Cette image se retrouve dans l'expression littéraire, écrite et orale, la chanson, etc. A l'occasion d'un séjour dans la Grande Ile en avril et mai 2006, j'ai rencontré de nombreux descendants de Sénégalais qui ont confirmé l'existence de cette image négative, qui persiste même à l'encontre de la descendance pourtant intégrée dans la société malgache. La communication analysera les traits caractéristiques de cette image, tentera de déterminer les étapes de sa constitution, et les formes qu'elle a prises dans le milieu colonial (chez les Français de la colonie, militaires, fonctionnaires, colons) aussi bien que dans le milieu indigène (la population malgache). L'image du « Sénégalais » peut-elle être mise en relation avec les tâches confiées aux militaires Ouest Africains, et les rapports qu'ils entretenaient avec les autochtones ? Les sources comprendront documents d'archives, iconographie, et enquêtes orales.

Référencé dans la conférence : Idées et représentations coloniales dans l'océan Indien XVIIIe-XXe siècles
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